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Cybersécurité : « Les patrons des entreprises ne savent pas par où commencer »
Lors du premier salon africain 100% digital de la sécurité et la sûreté, organisé à Rabat du 19 au 21 Février 2019, nous avons rencontré Sophia Khaldane, chargée du développement des services de cyber-sécurité au sein d’Inwi, un des sponsors de l’événement. Interview.

La Vie Eco : Quel état de lieu faites-vous de la cybersécurité en ce qui concerne les entreprises marocaines ?
Sophia Khaldane : Aujourd’hui, les choses commencent à bouger. Les entreprises prennent de plus en plus conscience des enjeux de la cybersécurité. La sensibilisation y a participé. Mais, les patrons des entreprises ne savent pas par où commencer, comment définir leurs priorités, les étapes à suivre ainsi que les meilleures pratiques à adopter pour aborder la cybersécurité de la manière la plus optimale, sans engendrer des coûts importants.
Du point de vue de la réglementation, la direction générale de la sécurité des systèmes d’information a élaboré des décrets pour réglementer ce domaine autour duquel tout un écosystème est en train de se créer.
On constate également que même les services « providers », qui sont représentés par les intégrateurs ou les fournisseurs de services de sécurité managés, commencent à proposer des services pour accompagner les entreprises.
Quels sont les enjeux de la cybersécurité pour les entreprises qui ne sont pas encore sensibilisées ?
Quand nous pensons à une cyberattaque, les gens vont penser directement aux coûts qu’elle engendre. Si par exemple j’ai un site de vente en ligne qui va tomber en panne pour une heure, deux heures ou plusieurs jours, mon chiffre d’affaires en pâti.
Il y a aussi des coûts indirects. L’image de marque en prend un coup également. Aujourd’hui, une marque, qui est associée à un événement de cyberattaque perd toute sa crédibilité. Si un utilisateur d’une application bancaire, qui a l’habitude de faire des transactions bancaires en ligne, découvre que sa banque a été victime d’une cyberattaque, sa première réaction serait d’annuler la souscription.
A cela s’ajoute également les coûts de restauration. C’est à dire tout ce qu’il faut mettre en oeuvre pour remettre le service en place et redémarrer, notamment l’enquête à mener pour comprendre ce qui s’est réellement passé. Sans oublier les opportunités de business que peut rater l’entreprise pendant le temps de l’attaque.
Comment se comporte le marché de la cybersécurité au Maroc ?
A côté des intervenants internationaux, il y a de plus en plus d’acteurs locaux. C’est une fierté. Ce sont des experts de haut niveau. Les experts locaux offrent l’avantage de ne pas divulguer les données souveraines à l’international. Pour pouvoir bénéficier d’une expertise à l’international, les clients-entreprises sont obligées de partager des données et des informations à l’échelle internationale, ce qui n’est pas toujours conforme à la réglementation. Avec les experts locaux, les entreprises sont en conformité avec la loi, en l’occurrence les textes relatifs à la protection des données à caractère personnel.
A combien se chiffre l’investissement nécessaire pour disposer d’un service de cybersécurité dans une entreprise ?
Les services managés, justement, optimisent l’investissement que peuvent engager les entreprises pour se protéger des attaques. C’est un mode de souscription sous forme d’abonnement qui engendre des coûts opérationnels. Au lieu d’investir dans une plateforme, la gérer et l’exploiter, l’entreprise opte pour des services de sécurité managés, moyennant un abonnement adapté à ses besoins.
Nos experts marocains sont-ils bien formés et, comment se comporte le marché d’emploi dans ce secteur au Maroc ?
Des ressources qui ont un background technique, de technicien spécialisé ou d’ingénieur existent localement. Il existe des formations très pointues de la cyber-sécurité au Maroc. A l’université Mohamed V, notamment, d’où nous avons recruté de jeunes analystes fraîchement diplômés, les profils sont excellents. Vu que j’ai rencontré des analystes partout dans le monde, je peux témoigner que nos jeunes marocains sont curieux, très compétents et ont de la volonté. Il faut juste leur donner des opportunités de travail.
Pour ce qui est des opportunités, le marché est largement déficitaire, non seulement au Maroc, mais dans le monde entier. Le besoin en ressources humaines dans le domaine est estimé à deux millions de postes à pourvoir. C’est dire qu’il faut fidéliser nos jeunes, surtout dans ce contexte de la fuite des cerveaux vers l’Europe et l’Amérique.
