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Débat : Peut-on savoir comment s’annonce la relance économique ?

• C’est une question de fond à laquelle plusieurs experts ont tenté de répondre dans le cadre d’un débat organisé par l’Institut CDG.

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La publication du rapport sur le Nouveau modèle de développement a permis de stimuler le débat public autour de questions impliquant l’éducation, l’emploi, la santé, la productivité des facteurs, la transformation de l’économie, l’environnement, l’inclusion, la protection sociale et bien d’autres sujets. Ces questions sont essentielles dans la perspective de libérer le potentiel de développement de notre pays et de renforcer la résilience de l’économie marocaine à long terme. Dans ce contexte et pour mieux comprendre ces enjeux et analyser les tendances profondes qui les caractérisent, l’Institut CDG a tenu un webinaire sous le thème «Comment la relance économique s’annonce-t-elle ?». Organisée récemment, cette rencontre digitale a permis à des experts d’échanger et de débattre autour des aspects de la redynamisation de l’économie, au vu des facteurs conjoncturels qui conditionnent son évolution.  Ainsi, dix principaux leviers ont été identifiés pour une relance qui soit effective. Il ressort, en effet, de ce débat que nous sommes dans un environnement de plus en plus incertain et nous pouvons même parler d’incertitude radicale, car elle touche le secteur de la santé, le bien-être individuel, le domaine économique et l’ensemble des acteurs dans leur dimension comportementale et psychologique. Au-delà de l’urgence, il faudrait réfléchir à la manière de traiter la période qui succède la crise, non seulement en termes de sortie mais en termes d’orientations stratégiques. La croissance à moyen et long terme risque d’être lente si des réformes stratégiques ne sont pas prises en compte. Il faut donc transformer cette volonté de réforme en un acte de réforme et mettre en place un cadre macro-économique avec les composantes budgétaire, monétaire, financière et comptable, plus précisément celui de la balance des paiements.

Il est également nécessaire de réfléchir aux mécanismes de planifications stratégiques et leur suivi, aux instances de gouvernance et aux stratégies de dialogue social, car les orientations doivent être appropriées par tous les acteurs. Par ailleurs, il est à signaler que l’un des enjeux est de se diriger vers une approche de la réforme qui soit intégrée avec des séquences maîtrisées et de disposer de la capacité à mettre en œuvre ces réformes dans un délai de temps maitrisable. Cela, en allouant les ressources de manière efficace en fonction des priorités. Actuellement, la priorité est sociale et concerne l’assurance maladie et la protection sociale. Les autres chantiers importants portent sur la compétitivité de l’entreprise, qui peut fortement contribuer à la création de l’emploi et la complémentarité entre l’investissement public et privé. De même, et afin de prolonger et accélérer la croissance dans l’avenir, il faudrait effectuer une transformation économique et sociale à travers la coordination des enjeux macroéconomiques, méso-économiques et microéconomiques, soulignent les experts qui ont participé à ce débat.

Il faudrait également traiter les dettes publiques et privées héritées de la crise et mettre en place une politique monétaire plus active pour continuer à maîtriser l’inflation, maintenir les taux d’intérêt relativement bas et instaurer une politique de crédit plus agressive pour accompagner les entreprises, notamment les PME et TPE. Sur un autre volet, l’entreprise devrait se responsabiliser sur un certain nombre de choix et définir une stratégie à long terme tout en disposant d’une visibilité sectorielle. L’aspect du dialogue social est fondamental pour la performance de l’entreprise.

C’est un constat, la crise est venue cristalliser des enjeux qui existaient auparavant et elle peut être considérée comme un catalyseur. Il faut réfléchir à une refonte du lien qui peut exister entre le citoyen et les pouvoirs publics et placer «l’humain» au centre des stratégies en termes de bien-être social. Aussi, les enjeux du développement durable, à savoir les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) sont-ils des éléments importants pour la mobilisation des financements, notamment les investissements étrangers. Ces enjeux représentent la synthèse des défis qui attendent le Maroc. Par ailleurs, les entreprises qui respectent ces critères ESG sont plus performantes et résilientes.

En outre, selon une étude de la Banque Mondiale, qui a porté sur la partie macroéconomique du Nouveau modèle de développement, il a été conclu que les pays ayant affiché une importante croissance ont connu une transformation structurelle qui a porté sur tous les facteurs de production. Il s’agit du capital humain grâce à l’éducation, la productivité des entreprises et spécialement dans les villes l’innovation qui est un facteur clé,  et la participation des femmes dans le marché du travail.

Il ressort également de ce débat que quatre facteurs permettent, par ailleurs, la réduction de la pauvreté et des inégalités dans le monde. Le premier étant l’emploi pour les plus vulnérables, pour les jeunes et pour les femmes et la formalisation du secteur informel qui est très hétérogène au Maroc. Le deuxième facteur est l’éducation. Le facteur le plus important pour la mobilité sociale réside, en effet, dans l’égalité des opportunités dans le secteur de l’éducation et un ciblage des enfants des familles les plus défavorisées et plus précisément la petite enfance. Le troisième facteur étant le  budget de l’Etat. Il faut, dans ce cadre, mettre en place des taxes plus progressives, des incitations pour les investissements et imposer les biens des personnes, notamment la propriété, le foncier et l’héritage afin de modifier la distribution des richesses. Quant au dernier facteur, il s’agit de la réforme sociale. Le Maroc a entrepris, dans ce cadre, une importante réforme au niveau de la protection sociale qui va permettre une protection des couches les plus vulnérables et une incitation à une accumulation du capital humain.

Afin de permettre une meilleure répartition des richesses et avoir une classe moyenne plus importante et plus résiliente à court terme, il est nécessaire de mieux cibler les aides octroyées aux personnes les plus vulnérables grâce à la mise en place d’un identifiant digital universel et unique des individus qui permet une authentification en ligne et en temps réel.

Dans ce sens, un Registre social unifié (RSU) est en phase de mise en place au Maroc.

En définitive, concluent les experts, en l’occurrence Jesko Hentschel, directeur des opérations à la Banque Mondiale, Reda Loumany, territory managing partner chez PwC au Maroc et Larabi Jaidi, senior fellow, Policy Center For The New South, cette crise est une occasion pour repenser les politiques publiques, les rôles des entreprises et les priorités sociales. Elle doit être considérée plus sous l’angle d’une opportunité que celui d’un défi.