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Couverture du risque de change : la marge de manœuvre des banques est limitée

Aucun mouvement particulier n’a été constaté sur le cours du dirham ou la demande de couvertures après la flexibilisation du dirham. Peu de produits sont proposés par les salles des marchés des banques. L’Office des changes promet une plus grande ouverture du cadre réglementaire après un premier bilan d’étape de la flexibilité.

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Couverture du risque de change

Le passage à un régime de change plus flexible s’est fait sans perturbation. En effet, les séances de cotation du dirham ayant suivi l’entrée en vigueur de cette réforme (le 15 janvier) se sont déroulées dans des conditions normales, sans écart apparent, et sans fluctuation majeure de la demande sur les instruments de couvertures de change. C’est ce que rapportent des banquiers. «Le Dirham traite toujours dans les mêmes niveaux qu’avant son écartement», explique Khalid Aabid, responsable vente corporate à la direction des marchés des capitaux de Société Générale Maroc. Cette situation est favorisée par le niveau de liquidité disponible sur le marché qui reste «convenable, permettant aux banques de servir leurs clients à des cours très compétitifs», rapporte pour sa part Abdelmalek Mouatadid, directeur capital market sales à la Banque des marchés des capitaux de la BCP. Aucun recours massif aux adjudications de Bank Al-Maghrib n’a été observé sur le marché interbancaire.

Le marché est encore peu profond

En tout cas, les demandes de couverture reçues émanent aussi bien des grandes entreprises que des petites et moyennes structures. Et si aucun rush n’a eu lieu jusqu’à présent, c’est en raison, en plus de la stabilité du Dirham, de la réglementation des changes qui reste stricte. En effet, «une couverture ne peut être contractée si elle n’est pas adossée à une opération commerciale, matérialisée par une facture définitive, un titre d’importation délivré par la Douane ou un contrat que la société a signé avec son fournisseur, qui précise aussi bien le montant que l’échéance», explique M. Aabid. Du coup, les couvertures de change sont demandées en fonction de l’activité des entreprises. Une autre raison liée à la profondeur du marché explique cette situation. En effet, la monnaie nationale, même avec la flexibilité, n’est pas intimement corrélée aux devises étrangères. De plus, la fourchette dans laquelle elle évolue reste acceptable pour les sociétés.

«Les instruments proposés à nos clients portent sur des produits classiques tels que les opérations au comptant, les couvertures à terme, les ordres, les instruments dérivés assimilés à des assurances, les montages et les instruments structurés répondant à des besoins spécifiques en matière de gestion et d’optimisation du risque», détaille M. Mouatadid. Néanmoins, les contrats à terme sont les plus utilisés par les entreprises. Cela dit, une légère tendance, pas encore confirmée, est observée : certaines entreprises qui réalisaient leurs transactions à un cours spot préfèrent désormais se prémunir et se dirigent vers les contrats à terme. En outre, les quelques banques qui commercialisaient des options ne le font plus que rarement, car la volatilité du Dirham est faible.

Réadaptation du cadre réglementaire

Il est vrai que la capacité des banques à confectionner des produits de couverture innovants est grande. Mais elles préfèrent ne pas la déployer complètement. D’un côté, parce que la réglementation est contraignante, d’un autre, parce que la demande reste faible. Il faut savoir que «la création d’un produit de couverture doit être en parfaite concordance avec la réglementation de la Banque Centrale et de l’Office des changes. En cas de doute sur l’interprétation de la règle, nous nous référons à notre département juridique, à un cabinet d’avocats ou directement à l’Office des changes», explique M. Aabid. Face à ces contraintes, les banques adoptent plutôt une politique axée sur la réponse à des besoins exprimés par les sociétés. Au-delà de la nature du risque à couvrir et de l’instrument proposé, les entreprises sont plus à la recherche de stratégies de couverture à adopter sur plusieurs années, en vue de se protéger de manière optimale. En face, les banques jouent un rôle de conseiller.

De son côté, l’Office des changes, conscient de la «rigidité» de l’Instruction générale des changes et de la marge de manœuvre limitée des banques, a publié une circulaire, complémentaire à ladite instruction, apportant plusieurs nouveautés. «La première porte sur la possibilité d’utilisation d’une combinaison de produits de couverture. La deuxième introduit la possibilité de compenser les positions à l’échéance. Et la troisième concerne la possibilité de couvrir les produits importés et stockés», détaille Hassan Boulaknadal, directeur général de l’office. Des nouveautés qui font sens certes, mais qui restent insuffisantes vu le potentiel que recèle le marché. Ainsi, les opérateurs estiment que l’annulation de l’obligation de présentation de la facture définitive pour souscrire à une couverture des changes pourrait régler bien des problèmes. L’Office des changes ne voit pas les choses de la même manière: «Au delà de l’impact de tels instruments sur les réserves de change, notre souci est d’encadrer la volumétrie des échanges de tels produits en exigeant des opérateurs de produire, préalablement à l’achat de produits de couverture, tout document probant qui matérialise un engagement sur le sous-jacent», explique M.Boulaknadel.

Toutefois, la régulation des changes sous cette ère est amenée à être améliorée progressivement. Avec la publication de cette dernière circulaire, l’Office des changes laisse le temps aux opérateurs de s’acclimater avec cette nouvelle ouverture dans un cadre réglementaire stable. «Après un bilan d’étape, d’autres mesures seront étudiées et d’autres ouvertures seront mises en place, toujours dans le sens de l’ouverture économique», conclut M.Boulaknadal.