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Casablanca, Al Hoceima, Meknès… Les villes où la vie est la plus chère
Safi, Oujda et Rabat sont les villes où les prix à la consommation ont le moins augmenté depuis 2007. A Casablanca, les prix augmentent de 2% en moyenne par an. La capitale économique, Agadir et Béni-Mellal sont les trois villes où l’alimentation connaît le rythme d’augmentation le plus élevé.

C’est la ville où l’inflation est la plus faible, et néanmoins, il n’est pas sûr que les Marocains se bousculeraient pour y habiter. Cette ville, c’est Safi, réputée naguère pour la qualité de ses sardines et de sa poterie. Selon les calculs de La Vie éco, sur la base des indices des prix à la consommation du Haut commissariat au plan (HCP), l’inflation à Safi entre 2007 et 2012 atteint à peine 4% (3,9% exactement), soit une moyenne annuelle de 0,8%. Pour apprécier ce chiffre, il faut savoir qu’à l’échelle nationale, l’inflation annuelle moyenne sur cette période a été de 1,6%.
La capitale de l’Oriental, Oujda, est également une ville où les prix évoluent modestement : 1,32% par an en moyenne sur la période considérée. Rabat aussi, avec 1,2% par an.
Ainsi, sur les dix-sept principales villes représentant les seize régions du pays, dont le HCP publie les indices des prix de façon régulière, Safi, Rabat et Oujda occupent respectivement les trois dernières places du classement en termes d’inflation.
S’il ne fallait tenir compte que de cet indicateur, ces villes seraient donc celles où il ferait plutôt bon vivre, puisque la bourse des consommateurs se trouverait à l’abri des envolées des prix. En fait, il n’en est rien, sauf pour Rabat, qui est un cas à part. La modicité de l’inflation à Safi et Oujda, mais particulièrement à Safi, semble indiquer au contraire que les revenus y sont tout aussi modestes et donc que les activités économiques n’y prospèrent pas vraiment. La preuve, Casablanca, la métropole économique du pays, caracole en tête avec 10,15% d’inflation entre 2007 et 2012, soit une moyenne de 2% par an.
Mais si Casablanca concentre le gros de l’activité économique et des revenus distribués, justifiant ainsi sa première place dans le «palmarès» des villes «inflationnistes», que dire alors d’Al Hoceima qui n’est ni un pôle industriel, ni commercial, ni agricole ? Pourtant, cette ville côtière du Nord-Est du pays occupe immédiatement la deuxième place, après Casablanca, avec une augmentation des prix de 9,4% entre 2007 et 2012, soit près de 2% (1,9% exactement) par an en moyenne. Qu’est-ce qui explique qu’Al Hoceima soit presque au même niveau que Casablanca en termes, d’évolution des prix, alors que tout sépare les deux villes? Selon des témoignages recueillis sur place, Al Hoceima est une ville où les prix sont effectivement très élevés. «J’ai travaillé dans plusieurs villes du Royaume, je n’ai pas connu des niveaux de prix aussi élevés qu’ici. Qu’il s’agisse des légumes, du poisson ou encore des loyers d’habitation, tout vous brûle les doigts, ou plutôt le portefeuille», confie un haut cadre de l’administration. «Un appartement modeste, que vous pourriez louer à 3 000 DH ou 4 000 DH à Rabat, vous coûterait ici pas moins de 6 000 DH», précise encore notre interlocuteur.
Pas moins de 6 000 DH par mois pour louer un appartement moyen à Al Hoceima
Ces propos ne relèvent pas de ce que l’on appelle le «ressenti» de la population mais sont des réalités que confortent les enquêtes du HCP. En effet, les statistiques de cet organisme public montrent bien que, par groupement de produits, la restauration et l’hôtellerie enregistrent à Al Hoceima l’augmentation la plus élevée: +28,2% entre 2007 et 2012, soit 5,2% en moyenne annuelle. Les «biens et services divers» accusent également des hausses parmi les plus élevées : +26% sur cinq (5,2% par an), un niveau que seule Marrakech dépasse mais de très peu (26,2% sur cinq ans). Le coût de l’enseignement y est également élevé (+18,4% en cinq ans ou 3,7% par an), mais c’est loin du niveau atteint pour cette prestation à Casablanca (33,9% sur cinq ans ou 6,8% par an), à Guelmim (respectivement 30% et 6%), à Marrakech (29,34% et 5,8% respectivement) ou encore à Agadir (27,4% et 5,5% respectivement).
Mais pourquoi les prix évoluent-il, rapidement à Al Hoceima ? «Détrompez-vous, dans ce coin, il y a énormément d’argent : celui qu’envoie la forte communauté MRE de la région, installée majoritairement en Allemagne, un pays prospère et qui n’a pas connu vraiment la crise économique; et puis, l’argent qui provient de l’économie souterraine, voire illicite», analyse un économiste. On pourrait en dire autant de Tétouan qui fait partie des cinq premières villes à inflation relativement élevée : 2% par an en moyenne depuis 2007, avec cette particularité, comme Al Hoceima, que les prix de la restauration et de l’hôtellerie y évoluent rapidement (+4,7% par an en moyenne). Comme Al Hoceima, Meknès est également une ville où le rythme d’augmentation des prix est relativement élevé: +1,84% par an depuis 2007, soit 9,22% en cinq ans. Les groupes de produits dont les prix ont évolué rapidement sont la restauration et l’hôtellerie (+4,6% par an), l’enseignement (+4,4% par an) et l’alimentation (+3% par an). Meknès fait partie des cinq premières villes où les prix des produits alimentaires et des boissons non alcoolisées ont augmenté à un rythme annuel compris entre 3% et 3,3%, depuis 2007 ; Casablanca occupant la première place avec 3,3% de hausse par an. Peut-être il faudrait voir dans les coûts du transport et de la logistique les facteurs qui influent sur le niveau des prix de l’alimentation à Meknès, comme dans certaines autres villes d’ailleurs.
Mais si certaines villes surprennent à peine, finalement, par l’importance ou la faiblesse des niveaux d’évolution des prix qu’elles enregistrent, le cas de la capitale politique, Rabat, paraît presque atypique. Voilà une grande ville, où siège le gouvernement et les grandes administrations du pays, proprette et bien tenue, et où les prix évoluent petitement : 1,2% par an en moyenne, depuis 2007. Ainsi, Rabat se classe à la troisième place parmi les villes les moins chères, après Safi et Oujda. Même le coût de l’enseignement, qui, partout, augmente de l’ordre de 4,5% par an en moyenne, n’a évolué «que» de 2,8% par an à Rabat (moins qu’à Oujda où ce taux est de 3,7%). La proximité de l’administration y est-elle pour quelque chose (en terme de dissuasion) ? Ou bien est-ce en raison de la position géographique de la ville, pas trop éloignée des centres d’approvisionnement ?
Au-delà des raisons qui expliquent telle ou telle situation et quels que soient les niveaux d’augmentation des prix que laissent voir les indices statistiques du HCP, globalement, l’inflation au Maroc, mesurée par l’indice des prix à la consommation, reste à un niveau relativement faible. Mais l’évolution des prix, à elle seule, ne renseigne pas tout à fait sur le coût de la vie ; cette notion mettant en jeu également le niveau des salaires…
