Culture
«Pourquoi ils hypothèquent leur vie» : le cri d’une conscience africaine
Le livre «Pourquoi ils hypothèquent leur vie» est un plaidoyer pour la bonne gouvernance en Afrique subsaharienne. A travers la question de l’immigration, l’auteur, Alié Dior Ndour, y explicite le mal qui ronge le continent.

«Ils», ce sont les Momar, les Virginie, les Yaguine, Fodé et tous ceux qui se jettent à la mer ou affrontent le désert, en espérant atteindre la rive meilleure. Dans le livre «Pourquoi ils hypothèquent leur vie»*, Alié Dior Ndour s’insurge, révolté, pour attirer l’attention des puissances d’Afrique et de l’Occident sur l’immigration clandestine, qui engloutit des vies par millions, donnant lieu à un drame humain qui n’est pas prêt de s’arrêter.
Fort de sa formation économique et de sa longue expérience journalistique, qui lui ont permis de côtoyer spécialistes et décideurs de tout bord, Alié Ndour dresse un diagnostic précis du mal africain, sans en négliger aucun point ni une partie prenante. Sans langue de bois non plus, il pointe du doigt les écarts et manquements, tout en y mettant la dose d’optimisme nécessaire pour éviter le ressentiment ou l’incitation à la haine. Au fil de la lecture, çà et là, des points de lumière font tout de même croire à une issue possible pour le jeune continent.
C’est à travers les histoires de Momar, ouvrier clandestin dans les champs d’Alméria, et de Virginie, «mendiante de feu rouge» à Casablanca, que l’auteur nous fait découvrir les aléas de l’immigration.
A l’origine du départ
Si le mouvement des populations est un fait naturel, depuis que le monde est monde, la situation actuelle est loin d’être ordinaire. Elle est même à juste titre alarmante et désastreuse. Car Momar, Virginie et les autres sont loin de mener la vie de rêve inhérente à tout rêve de partance. Pour comprendre les causes du départ et surtout de l’acceptation de conditions de vie insoutenables en terres d’accueil, il est important de revenir aux pays d’origine.
Le livre nous plonge alors dans le détail d’une situation sommairement connue de tous, mais jusque-là floue et compliquée à appréhender. De façon précise, claire et sans concession, le diagnostic de la détresse africaine couvre des chantiers vitaux, tels que la sécurité alimentaire, la santé, l’économie, l’éducation. L’auteur pointe toutes les failles des systèmes politiques en place, responsables du désastre: de la mascarade démocratique, à la justice sous pression et l’impunité des responsables. Mais l’Occident est tout aussi coupable, car silencieux et complice des pouvoirs en place. Vient alors la responsabilité de la société elle-même, entre culture oppressante et silence des intellectuels…
L’espoir est permis
En lisant «Pourquoi ils hypothèquent leur vie», l’on a du mal à décolérer devant les faits avérés et les données chiffrées. Mais c’est justement la conviction de la possibilité du changement qui maintient vif le ton fulminant et l’auteur et la rage du lecteur. Lorsqu’on mesure l’ampleur des pertes et des dilapidations des deniers publics, pour servir les intérêts personnels d’élites qui ne changent qu’à coup de conflits armés ou de coups d’Etat, l’on est évidemment amené à imaginer le continent purgé de sa charogne.
Aussi, Alié Ndour dédie la dernière partie de son livre à des pistes de réflexion pour se sortir de la crise africaine. Briser le tabou de la démographie en maîtrisant la natalité, n’en déplaise aux conservateurs; réinventer l’école; souquer le système démocratique et éviter les modifications intempestives des Constitutions en faveur des pouvoirs en place; intégrer des groupements d’influence effectifs et réalistes, en attendant la consécration d’une Union Africaine réelle et puissante.
Si le livre dresse le bilan de l’Afrique subsaharienne, en prenant parfois en exemple les avancées réalisées en Afrique du nord, il ne faut pas se leurrer et se reposer sur ses lauriers. Le Maroc a certes une longueur d’avance, dans la longue marche pour le développement, mais il lui reste également du chemin à faire. Aussi, la renaissance d’une Afrique forte ne peut que lui être salutaire.
(*) «Pourquoi ils hypothèquent leur vie», de Alié Dior Ndour, édition Edilivre (France). (En vente sur Edilivre.com).
