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Culture

Pluie de sueur : détresse et poésie

Vient de sortir en salles, «Pluie de sueur» : un film de Hakim Belabbes. Le long métrage traite le drame d’un paysan acculé aux plus insensés des sacrifices pour garder son terrain. Il avait emporté le Grand prix de la 18e édition du Festival national du film de Tanger.

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Pluie de sueur

On l’attendait depuis mars dernier déjà. Lorsqu’il a raflé le prix du Festival national du film de Tanger ainsi que le prix du meilleur rôle féminin. «Pluie de sueur» aurait pu être un énième film traitant de la misère des agriculteurs et de leur refus de se séparer de la terre, ou encore un drame social autour du handicap mental d’un enfant unique. Mais lorsque la poésie s’en mêle, le grand écran en renvoie la magie. Hakim Belabbes a signé là une œuvre d’une grande sensibilité qui happe le spectateur jusqu’à la fin des deux bonnes heures du long-métrage.

M’barek (Amin Naji) est un paysan pauvre. Endetté jusqu’au cou, son petit lopin de terre est le seul bien qu’il possède et auquel il est viscéralement attaché. C’est le cas de le dire. Constamment menacé par les échéances d’une traite de crédit qu’il ne peut honorer, M’barek nourrit l’obsession de trouver l’eau qui va faire renaître ses terres. Il creuse à l’aveuglette ce puits providentiel, en y mettant toute son énergie et sa détresse.

La précarité, cet ennemi

Sa petite famille compte un père sénile qui ne partage que peu ses soucis et une femme complice (Fatima Azzahra Bennacer), portant en elle un enfant et bien des frustrations. Le fils unique de M’barek (Ayoub Khalfaoui) est, quant à lui, atteint du syndrome de Down qui l’empêche de s’intégrer parmi les enfants de son âge, mais également de se faire accepter par son propre père qui le traite de créature.

Lorsque M’barek reçoit la lettre maudite et que ses offrandes multiples au banquier n’y font plus rien, il prête l’oreille à un conseilleur qui le met sur la voie du trafic d’organes. Il quitte les siens pour une aventure risquée, laissant sa femme enceinte seule face à l’ombre de la fausse couche. Seul Ayoub, l’adolescent trisomique, ne se laisse pas démonter par le désespoir, prouvant que la détresse liée à sa condition n’est pas une fatalité.

Dans le récit simple et sans remous ou suspense de «Pluie de sueur», il y a de l’émotion à en revendre. Dans la douleur de M’barek, dans son comportement revêche à l’égard de sa femme et son fils, dans l’amour que lui porte sa femme ou celui que porte son fils à sa petite chienne, l’émotion est là, non dite par pudeur ou par peur de l’inconnu.
De mots et d’images…

Lorsque Aida signifie à son mari qu’il est très dur avec leur enfant, il lui répond qu’il vaut mieux qu’il le prépare à une vie impitoyable sans lui. Le seul moment de tendresse qu’il partage avec lui, c’est lorsqu’il lui apprend à se raser, lui offrant un contact physique précieux et touchant. Autre moment d’une infinie tendresse : ce message d’amour inavoué, dit dans une langue darija pure et belle, exprimant la profondeur des sentiments de M’barek à Aida. Tout en étant dans la mesure, l’excellent texte est l’un des plus beaux aveux d’amour jamais dits dans un film marocain.

Dans l’image, Hakim Belabbes a misé sur les gros plans qui ressortent les expressions du visage. Aidé par un choix de casting judicieux, le cinéaste a réussi à dépeindre toute une palette d’émotions. Avec des séquences au ralenti, une musique et des paroles chargées de mélancolie, Hakim Belabbes a saupoudré de la poésie pour parfaire sa «Pluie de sueur».