Culture
La comédie humaine version 2.0
«Entre 1996 et 2000, la France, ancienne grande puissance devenue une puissance moyenne, parvint in extremis à réaliser l’un de ses fantasmes économiques : elle eut sa propre Silicon Valley (comme elle avait eu, avec le quartier d’affaires de La Défense, son petit Manhattan).

Extrait :
«Entre 1996 et 2000, la France, ancienne grande puissance devenue une puissance moyenne, parvint in extremis à réaliser l’un de ses fantasmes économiques : elle eut sa propre Silicon Valley (comme elle avait eu, avec le quartier d’affaires de La Défense, son petit Manhattan). On baptisa ce miracle économique le Silicon Sentier. […] L’industrie textile française était en crise depuis plus d’un demi-siècle, mais Paris restait la capitale de la mode. Ainsi, le Sentier avait su plutôt bien négocier sa mutation post-industrielle : si le gros de la confection avait été délocalisé vers des pays à faible coût de main-d’œuvre, les activités à forte valeur ajoutée, comme la conception des prototypes, le montage final des vêtements ou leur commercialisation, s’étaient maintenus. [… ] Le Sentier réunissait pourtant, à la fin des années 1990, des conditions particulièrement propices à l’apparition d’une révolution économique et sociale : une jeunesse éduquée et plutôt aisée se cherchait un avenir, dans les espaces laissés vides par les anciens ateliers. Le capital existait, mais rêvait d’aventure, au milieu des ruines de la société industrielle».
En quelques mots :
La Théorie de l’information embrasse trente ans de bouleversements technologiques en France, «de l’invention du Minitel à l’arrivée des terminaux mobiles, de l’apparition d’Internet au Web 2.0, du triomphe de France Télécom au démantèlement de son monopole». À cette reconstitution technologique, économique et sociologique très documentée, se mêle le récit du destin de Pascal Ertanger, héros de ce roman. Adolescent solitaire, épris d’électronique et d’informatique, Pascal sera éditeur de jeux puis pornographe, avant de faire fortune dans la Net économie grâce à des investissements juteux. Un destin qui n’est pas sans évoquer celui de Xavier Niel, fondateur de Free, actionnaire du Monde et douzième fortune de France… La fiction romanesque et la réalité historique sont traitées ici au même niveau, avec une écriture «clinique», revendiquée par l’auteur. Avec cet équilibre parfaitement maîtrisé, Bellanger réussit à captiver le lecteur sur près de cinq cents pages.
L’auteur :
Aurélien Bellanger est un philosophe français né en 1980. La Théorie de l’information est son premier roman. Il est également l’auteur d’un essai sur le romancier français Michel Houellebecq, dont il se dit volontiers l’héritier : Houellebecq, écrivain romantique (Leo Scheer, 2010).
Ce qu’en pense «La Vie éco» :
À travers ce roman, Bellanger accomplit une sorte d’exploit : il plonge le lecteur dans un univers geek plein de fractales et a priori fort peu ragoûtant, et lui parle technologie, sans jamais le lasser. Les inconditionnels des romans de Michel Houellebecq ne seront pas dépaysés de leur lecture favorite par ce livre écrit d’une main efficace, chirurgicale, sans futiles broderies.
«La Théorie de l’information», Aurélien Bellanger, Éditions Gallimard, Août 2012, 487 pages, 270 DH.
Proposé par la librairie : livremoi.ma
