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Idées

Lectures partagées

Pourquoi lit-on, en général, et pourquoi certaines personnes sont-elles
plus prédisposées que d’autres à la lecture ?

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rub 4442

Dans un entretien récent, Georges Steiner, philosophe et moraliste cosmopolite, considère la lecture partagée comme «une des résistances possibles au désespoir. Et le désespoir, vous le savez, est un péché capital». Mais qui partage
encore le plaisir de lire dans un pays comme le nôtre ? Pas grand-monde, si l’on en croit ceux qui ont étudié notre comportement culturel et notamment au rayon de la lecture. A la maison comme à l’école, la lecture, lorsqu’elle est prescrite, est tout au plus une matière quasi facultative que les élèves traitent d’ailleurs comme telle. De plus, lorsqu’on jette un regard sur les ouvrages et la qualité de nombre d’auteurs prévus par les programmes de l’enseignement, on pourrait comprendre le parti pris de ces jeunes.
La lecture partagée dont parle Steiner est celle qui donne envie de faire lire ce qu’on a pris plaisir à lire. C’est dans cette offrande que réside le bonheur, pourtant solitaire, de la lecture. Il existe donc une générosité particulière dans le fait de conseiller la lecture d’un ouvrage que l’on a apprécié. Certains de ces lecteurs partageux offrent souvent ces mêmes livres comme pour multiplier le bonheur autour de soi. La lecture est sans doute un des rares plaisirs qui pousse au partage. Elle est aussi un mystère que nulle recherche scientifique poussée n’a pu expliquer. En effet, pourquoi lit-on, en général, et pourquoi certaines personnes sont-elles plus prédisposées que d’autres à la lecture ? On peut s’amuser à avancer des explications mais une chose est certaine, on ne naît pas lecteur, on le devient après avoir rencontré quelqu’un qui vous a donné envie de lire : un parent, un instituteur, un prof du lycée, un ami. Ce sont là quelques prescripteurs fondamentaux de cette étrange habitude qui va envahir votre vie, peut-être la changer ; et que sûrement vous partagerez avec d’autres dans une éternelle transmission du bonheur de lire.
C’était là une contribution dite culturelle et très «service public» au journalisme en temps de jeûne. En effet, on n’écrit pas de la même façon selon que l’on est ramadanisé au non. On ne lit pas d’ailleurs les mêmes choses, et pour cause… Mais il existe un grand mystère, aussi étrange que celui sus-mentionné, de la lecture. En ce mois trop sacré, on parle de tout sauf du Ramadan. Peu d’articles ont essayé de «poser la problématique», comme disent les cuistres, au niveau du travail , par rapport à la rentabilité, voire plus si affinités. Bien au contraire, le plus souvent on reste dans le folklore ambiant saupoudré de quelques ibtihalat journalistiques
Restons dans la presse à la manière de chez nous, à savoir celle qui plante des choux pour y faire des petits. On a lu il y a quelques jours avec une envie de rigoler non dissimulée une info rapportée par la MAP relative à un rapport sur «la pratique journalistique» en Egypte, publié par le Conseil supérieur de la presse (CSP). Selon ce rapport, on a enregistré, durant le premier trimestre de l’année en cours, 1978 dépassements «dans les journaux du gouvernement, des partis politiques et des publications indépendantes ou de droit étranger». Il est précisé par ailleurs que ce qu’on appelle dépassement est de l’ordre de ce qui suit: publication des infos sans citer la source, entorses à l’éthique, violation de la vie privée de citoyens, d’artistes ou de personnalités publiques, amalgame entre publicité et information et autres amabilités. Mais le meilleur est pour la fin car, comme nous le signale finement la dépêche de l’agence marocaine, «les revues et journaux nationaux, c’est-à-dire ceux qui vivent de fonds gouvernementaux et qui sont les plus nombreux, se taillent 50% des infractions enregistrées.» Faisons une pause publicitaire pour faire quelques totaux et un peu d’exercice mental. Si l’on compte près de deux mille dépassements pour un trimestre seulement, on est dans une moyenne de plus de deux conneries par jour dans lesquelles les journaux financés par le gouvernement se taillent la part du couillon. Vive la presse arabe dans tous ses états !