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Idées

Le stylo Bic ? Socialiste

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Il est sexagénaire mais il ne porte pas son âge. Le stylo à bille Bic boxe toujours dans la catégorie poids plume (5,8 grammes), tient la distance (2 kilomètres d’écriture), arbore bon teint. Autant d’avantages qui le rendent irrésistible, auxquels il conviendrait d’ajouter celui d’être à la portée des bourses les moins garnies. Ce qui fait dire au mythologue Umberto Eco que la pointe Bic est «l’unique exemple du socialisme réalisé. Il annule tout droit à la propriété et toute distinction sociale». Qu’Eco lui trousse un tel hommage est la meilleure preuve que Bic est infiniment plus qu’un objet utilitaire, une mythologie. Nul doute que baron Marcel Bich, qui en eut la révélation, alors qu’il cultivait son jardin, n’imaginait pas un destin aussi flamboyant pour sa créature. Cent milliards écoulés, à travers la planète en soixante ans ! Pourtant, pendant longtemps, Bic se voyait interdit d’école et de chéquier. Les personnes de mon âge en avaient souffert. La plume Sergent Major régnait sans partage dans les classes, le stylo à bille, fût-il un Bic, n’était pas en odeur de sainteté. Nos maîtres et maîtresses poussaient leur zèle excommunatoire jusqu’à perquisitionner nos trousses. Gare aux doigts des hérétiques. Quand l’objet de nos désirs est rentré, enfin, en grâce, nous nous sommes mis, avec ardeur, à en tirer bien des plaisirs, celui d’en réchauffer les sens, avant consommation, en le frictionnant entre les paumes des mains ; celui d’en honorer le corps, en en grignotant tous les attraits. Et de cette saveur de Bic, nous en conservons l’arrière-goût. A jamais.