Le SMIG n’est pas un revenu

L’entrée en vigueur simultanée du Code du travail et de l’augmentation
du SMIG a semé la confusion. En fait, les textes de loi sont clairs et
l’origine de la confusion vient du fait que le SMIG est assimilé
à un revenu perçu durant une période donnée (semaine,
quinzaine ou mois), alors que la loi, pour le secteur industriel, définit
seulement un salaire horaire minimum.

J’ aimerais apporter une contribution à la compréhension d’un problème qui soulève, depuis bientôt une année, des discussions ainsi que des débats très vifs.
Il s’agit du problème de la Réduction du temps de travail (RTT) et de l’application du SMIG.
Pour ce faire, je pense que la meilleure méthode – en fait la seule – consiste à se fonder sur les textes de loi qui régissent cette question.
Ces textes sont au nombre de trois :
– Tout d’abord la Loi n° 65-99 instituant le Code du travail, promulguée le 8 décembre 2003, et entrée en application 6 mois plus tard, soit le 8 juin 2004.
– Le décret n° 2-04-569 du 29 décembre 2003 fixant les modalités d’application de l’article 184 de la précédente loi.
– Le décret n° 2-04-421 (publié le 7 juin 2004) portant augmentation du SMIG de 8,78 DH/h à 9,66 DH/h à compter du 1er juillet 2004.

Tout devient plus clair si on se fonde uniquement sur les textes
Toute la difficulté vient de la concomitance des dates d’entrée en vigueur du Code du travail et des augmentations du SMIG, ce qui n’a pas manqué d’entraîner une confusion totale, à tel point que le ministère de l’Emploi et la primature auraient, semble-t-il, pris des positions pour le moins antagonistes. Or, ces difficultés peuvent être à notre avis facilement levées, pour peu que l’on se base seulement sur les textes de loi.
Tout d’abord, le Code du travail, en réduisant par son article 184 la durée de la semaine de travail de 48 à 44 heures, a bien précisé que cette réduction «n’entraîne aucune diminution du salaire». Ensuite, le décret n ° 2-04-569 est venu préciser, par son article 4, que cette réduction du temps du travail hebdomadaire de 48 à 44 heures «ne peut entraîner une diminution du salaire, pour les salariés qui exerçaient leur emploi à la date du 8 juin, date d’entrée en vigueur de la loi n°65-99 et pour ceux qui perçoivent leurs salaires chaque semaine, chaque quinzaine ou chaque mois».
Ces deux textes impliquent donc qu’un salarié doit garder le même niveau de salaire quand il travaillera 44 heures au lieu de 48 heures.
En supposant que ce salarié travaillait 48 heures à 10 DH/h, il doit continuer à toucher le même salaire qu’auparavant, soit 480 DH pour 44 heures travaillées, et dans ce cas son salaire doit être augmenté de 9,1% (soit 10,91 DH/h). Toute heure travaillée, au-delà de 44 heures, devant être considérée comme heure supplémentaire et donc majorée de 25% ou 50 %.
La difficulté est venue du fait que le même jour, soit le 8 juin, devait entrer en vigueur l’augmentation du SMIG, le décret l’instituant stipulant que, dans le secteur industriel, le SMIG devenait égal à 9,22 DH à compter de 7 juin et à 9,66 DH à compter du 1er juillet 2004. En effet, pour certaines personnes, le salaire horaire à prendre en considération pour l’application de la Réduction du temps de travail doit être le SMIG en vigueur à la date du 8 juin (soit 9,66 DH/h) et non l’ancien SMIG à 8,78 DH/h.
Une telle interprétation serait, à notre avis, inexacte, car le décret n° 2-04-569 stipule bien qu’il ne doit pas y avoir de baisse du salaire perçu par semaine. Or, à la date du 8 juin, le dernier salaire hebdomadaire que percevait l’ouvrier payé au SMIG était bien de 48 x 8,78 = 421,44 DH. C’est donc bien ce salaire-là qu’il faut maintenir quand la semaine passe de 48 à 44 heures.
Un troisième point qui sème la confusion est que, pour beaucoup de personnes, le SMIG est assimilé à un revenu, soit hebdomadaire soit mensuel, et que, lorsqu’on parle d’une hausse du SMIG, cela équivaut à une hausse du revenu. Or, à ce sujet, la loi est claire, car si le SMIG agricole est fixé pour le travail d’une journée, pour le secteur industriel c’est un taux horaire qui est obligatoire et en dessous duquel il n’est pas permis de rémunérer un salarié.
Les exemples suivants peuvent être donnés pour illustrer ce dernier point.
Il existe de nombreuses sociétés au Maroc qui faisaient travailler leur personnel moins de 48 heures bien avant le nouveau Code du travail. Dans ce cas de figure, un ouvrier au SMIG travaillant dans une société qui avait adopté une durée hebdomadaire de 44 heures, par exemple, percevait un salaire de 44×8,78, soit 386,32 DH.
Il est clair que le nouveau code n’aura aucune incidence sur le revenu de cette personne puisqu’il n’y a pas de changement du nombre d’heures travaillées. Par contre, l’augmentation du SMIG à 9,66 DH va permettre d’améliorer son revenu qui passera à 425,04 DH (44 x 9,66), soit une hausse de 10 %.
Une autre personne, payée au SMIG dans une société travaillant 48 heures, percevait, elle, 421,44 DH (48 x 8,78 DH). Avec la nouvelle réglementation et le nouveau SMIG, cette personne va percevoir, dans le cas où elle continue à travailler 48 heures : 44 x 9,66 + 4x 9,66 x1, 25 = 473,34 DH, soit une augmentation de 12,31 %. Par contre, si cette même personne ne souhaite travailler que ses 44 heures normales, elle ne va percevoir que 425,04 DH (48 x 9,66 DH), ce qui équivaut au maintien de son revenu.
En résumé, le salarié a le choix entre les deux cas de figure suivants :
– soit profiter d’une réduction du temps de travail de 4 heures par rapport aux 48 heures travaillées précédemment en gardant le même salaire;
– soit continuer à travailler le même nombre d’heures qu’auparavant (soit 48 heures) et bénéficier d’une augmentation de revenu de 12,31 %.
En conclusion, les textes de loi paraissent très clairs au sujet de la Réduction du temps de travail. L’origine des confusions vient essentiellement du fait que le SMIG est assimilé à un revenu perçu durant une période donnée (semaine, quinzaine ou mois), alors que la loi, pour le secteur industriel, définit seulement un salaire horaire minimum.