Salarié et politicien : Avis de Khalid Benghanem, DRH de Taqa Morocco

Il faut éviter toute provocation au sein de l’entreprise.
Dans le contexte marocain, je n’ai pas connaissance d’une étude ayant mesuré l’aspect de l’engagement politique des salariés. Cependant, à mon sens et à condition que cela n’affecte pas l’engagement professionnel, l’entreprise devrait encourager ses salariés en général à être acteurs du monde du bénévolat, de l’associatif à l’humanitaire et au socialement responsable. Rentre bien entendu dans ce cadre la participation à la vie politique.
Dans d’autres pays où la sphère politique est assez ancrée culturellement, les patrons prennent l’initiative d’encourager les salariés à s’engager en politique, ce qui a un double objectif. D’abord, cela permet de renouveler un peu le personnel politique, constitué en général de professionnels carriéristes en politique, qui n’ont aucune expérience d’entreprise. Mais l’exercice est également enrichissant pour le salarié qui peut développer des compétences intéressantes sur le terrain, en s’engageant par exemple dans la politique locale. En fait, l’investissement dans la vie publique est un engagement citoyen, mais également une magnifique opportunité donnée aux salariés du privé de valoriser leurs connaissances et leur expérience au profit de la performance de l’entreprise.
Il ne s’agit pas d’un sujet tabou. Les salariés discutent de la vie politique et expriment même leur opinion. On voit tout ce que le retard de constitution du gouvernement suscite comme débats par exemple. Par contre et au-delà des discussions, l’engagement réel dans la sphère politique est très faible. D’abord parce que les partis politiques ne font aucun effort pour attirer de nouvelles compétences. Ensuite, parce que l’engagement dans la société civile en général n’existe pas dans la culture d’une bonne partie des salariés au Maroc et rien n’est fait non plus pour le développer côté entreprise.
Encore une fois je pense que les salariés s’expriment plus ou moins librement dans l’entreprise. On le voit lors des pauses déjeuner ou au moment du café. D’ailleurs la liberté d’expression fait partie des libertés fondamentales. Cependant, elle doit rester dans la limite de l’acceptable, aussi bien en matière de temps consacré qu’au niveau du contenu, en évitant bien entendu les propos injurieux ou diffamatoires. Il est également important d’éviter toute provocation à l’intérieur de l’entreprise par la distribution de tracts ou de messages. Des actions pareilles sont limitées à l’aspect représentation du personnel selon la forme et par les personnes habilitées tel qu’autorisé par le règlement intérieur.
L’engagement provisoire extra professionnel peut certainement développer les compétences et l’employabilité du salarié. Cependant, le moment de cet engagement doit être bien choisi et peut être même convenu en toute transparence par le salarié et son employeur pour que ni le besoin de l’entreprise, ni la carrière du salarié ne soient affectés. Des dispositions législatives doivent également être imaginées pour permettre à ceux qui veulent s’engager de ne pas craindre leur retour dans l’entreprise une fois leur mandat achevé (exemple: suspension du contrat de travail une fois élu, prise en compte de l’expérience et des compétences acquises lors du retour, etc.).