Carrière
Managers au Maroc : Questions à Richard J. Major, Chercheur en sciences de gestion
«La qualité d’un manager tient à son savoir-être et non pas à son savoir-faire».

La Vie éco : Quel regard portez-vous aujourd’hui sur le rôle des managers ?
Je compare souvent les managers aux parents. Sans tomber dans le paternalisme, les managers sont de plus en plus partagés entre la quête de performances économiques et la prise de conscience d’un mode de management moderne basé sur la dimension humaine. Il est vrai aussi que le leadership du manager est la première source de motivation et d’implication pour les collaborateurs. Ces derniers ont besoin d’être inspirés.
Malheureusement, l’un des problèmes des modes managériaux qu’on retrouve un peu partout dans le monde est celui du management directif «command and contrôl».
Ce genre de mode managérial ne peut malheureusement que passer devant un capital d’innovation et de créativité des collaborateurs extrêmement important.
Je pense qu’il va falloir influencer le mode de management de manière à ce que les managers soient des guides, des accompagnateurs et des catalyseurs de développement de potentiels.
Par exemple, l’enquête GLOBE qui traite des aspects culturels du leadership et qui a mobilisé 200 chercheurs, 17000 managers dans 62 pays et 951 organisations, montre qu’au Maroc, il existe en général une culture très collectiviste intra-groupe avec une forte distance hiérarchique, beaucoup d’assertivité, orientée à la fois vers l’humanisme et la performance, tout en étant modérément collectiviste institutionnellement ou en contrôle de l’incertitude. Enfin elle serait faiblement orientée vers le futur ou l’égalité des sexes. Le leader exceptionnel marocain serait orienté équipe et favorise un style participatif. Il serait modérément charismatique et humaniste.
Quand on regarde des modèles de réussite d’organisations dans le monde comme Microsoft, Google, Apple et autres, pensez-vous qu’ils reviennent aux styles managériaux de leurs dirigeants?
La bonne question est d’être au bon endroit et au bon moment. Vous avez par exemple des entreprises de renom qui malheureusement jouissent d’une image d’anti-humaniste dans leur façon de gérer le capital humain.
Je pense qu’il n’existe pas un seul modèle de management mais plusieurs.
Les bonnes pratiques de management d’une organisation ne sont pas forcément transposables dans d’autres organisations.
Ceci dit, d’après les recherches de mon enquête sur l’exemplarité, on attend d’abord d’un manager d’être quelqu’un de confiance, d’éthique dans sa façon de gérer et d’attentionné.
Ce qui est surprenant dans l’enquête, c’est que la maîtrise technique ne vient qu’en dernier lieu. Elle ne représente pas un facteur d’exemplarité d’un manager. C’est d’abord son savoir-être et non pas son savoir-faire qui importe.
Pensez-vous que les responsabilités des managers sont de plus en plus accrues ?
La notion de complexité vient de plus en plus rendre la mission et les responsabilités des managers difficiles. Ils ont un rôle de plus en plus multi-fonctionnels et travaillent souvent en mode projet. La dimension politique vient aussi rendre leur tâche difficile, c’est-à-dire que les managers ne disposent pas d’un pouvoir sur les ressources et, du coup, ils sont plus dans l’influence, l’art de négociation, la capacité de travailler en équipe…
