Exploitation d’une enquête de rémunération : mode d’emploi

Les enquêtes de rémunération donnent souvent des éléments de réponse pour harmoniser la grille salariale. L’entreprise doit baser son benchmark sur le plus grand nombre d’enquêtes possible. Chaque enquête est censée fournir une information contextuelle.
Les enquêtes de rémunération sont aujourd’hui pour les entreprises un outil incontournable d’évaluation du degré d’alignement de leurs pratiques de rémunération sur celles du marché. Ceci, dans une perspective de définir leur marge de manœuvre en termes de processus de rétention des key talents mais aussi de capacité à en attirer d’autres. En d’autres termes, mesurer son niveau de compétitivité par rapport aux concurrents sur les compétences dont l’entreprise a besoin. Mais pour cela, certaines règles, structurantes, sont à déterminer : A qui se comparer ? Quoi comparer ? Comment comparer ?
Comment choisir son enquête de rémunération
Il existe plusieurs types d’enquêtes de rémunération. En premier lieu, les enquêtes globales menées systématiquement de manière annuelle. Ces enquêtes couvrent une majorité de postes génériques (fonctions support, industrielles, d’ingénierie,…) et concernent un panel multisectoriel voire multirégional. Il y a ensuite les enquêtes spécifiques propres à un secteur, un club d’entreprises ou encore une région donnée. Elles couvrent une cartographie de postes plus spécifiques et se limitent à un panel plus restreint et bien défini.
Les enquêtes de cabinets internationaux disponibles au Maroc sont pour la majorité adossées à une méthode de classification. L’avantage principal est de permettre aux entreprises une lecture complémentaire à celle du poste à poste en s’appuyant sur la classe du poste (déterminée à partir de l’évaluation de chaque poste de l’entreprise selon son niveau de contribution à la chaîne de valeur et les profils exigés pour le poste). Ainsi l’entreprise est à même de comparer ses données à la fois par poste et par classe de poste. Cette grille de lecture peut être très importante voire indispensable dans le cas de postes très «spécifiques» ou hybrides (par exemple le cas de postes requérant de porter plusieurs casquettes).
De manière à bien choisir son enquête, l’entreprise doit se poser les bonnes questions. Quels sont les postes concernés par l’exercice ? Quels sont ses concurrents sur les mêmes viviers de recrutement pour ces postes ? Si elle dispose d’un système de classification, ce dernier est-il fondé sur une méthode universelle? Cette méthode s’applique-t-elle à des enquêtes menées au Maroc ? … Ce n’est qu’en répondant à ces questions que l’entreprise pourra faire le «bon» choix. En effet, chaque enquête est censée fournir une information contextuelle, spécifique et surtout adaptée. L’entreprise doit bien définir son besoin pour se munir de l’enquête/ des enquêtes qui y répondront le mieux. Si l’entreprise est dans un secteur avec des postes génériques (par exemple le secteur de la grande consommation), les enquêtes globales répondront parfaitement à son besoin. Si en revanche son objectif est de mesurer son attractivité pour des postes très spécifiques (postes requérant un savoir-faire rare, vivier de recrutement circonscrit, postes techniques contribuant à la réalisation d’une chaîne de valeur spécifique…), il est nécessaire qu’elle s’appuie sur une enquête sectorielle avec un référentiel de postes adapté. Si l’entreprise se trouve sur une région avec des spécificités de rémunération propres, il est conseillé qu’elle se compare plutôt à des entreprises de la même région ou de régions comparables qu’à un panel national. Si l’entreprise adapte une logique classe de poste plutôt que poste, elle doit favoriser les enquêtes ayant la même méthodologie de classification que la sienne…
Comment lire une enquête de rémunération
Une fois l’enquête choisie et donc le panel de comparaison défini, dans le cas d’une lecture par poste, l’entreprise doit raccorder ses postes à la cartographie de l’enquête. C’est à dire opérer un «job-matching». Il s’agit de rapprocher ses postes aux postes repères de l’enquête (un référentiel est généralement proposé à cet effet), créant ainsi une correspondance entre les postes de l’entreprise et ceux du référentiel de l’enquête.
Dans le cas d’une comparaison par classe de poste, si l’entreprise ne dispose pas de la même méthode de classification que l’enquête utilisée. Il est primordial qu’elle évalue ses postes selon cette méthode pour pouvoir effectuer son benchmark par classe. La lecture par classe peut du reste aider l’entreprise à affiner sa comparaison en lui proposant une lecture croisant poste et classe de poste. Ainsi, elle pourra comparer son poste à des postes non seulement similaires mais aussi de même poids.
La restitution des enquêtes fournit les données de rémunération sous format d’indices statiques (médiane, quartiles, déciles,..) aussi bien par poste que par classe de poste. Pour les « exploiter » au mieux, l’entreprise doit choisir son indice de comparaison pour en faire sa référence de comparaison selon sa politique de rémunération. En clair, alors que certaines entreprises focalisent leur politique d’attractivité et de rétention sur le levier rémunération, d’autres choisissent de mettre en avant d’autres leviers moins monétisables (par exemple, la sécurité de l’emploi, l’employabilité, l’environnement d’excellence, les opportunités d’évolution …). Sur cette base, les questions à se poser peuvent être les suivantes : Quel payeur l’entreprise souhaite-t-elle être ? Où désire-t-elle se positionner par rapport au marché ? Certaines choisiront de se positionner au niveau inférieur du marché parce qu’elles jugent la rémunération comme n’étant pas le seul élément d’attractivité, tandis que d’autres, à la recherche de compétences clés et rares, seront prêtes à mettre « le paquet » pour avoir le meilleur et donc se positionneront au niveau supérieur du marché. D’autres, plus classiques, focalisées sur la recherche d’un alignement classique au marché, choisiront de se comparer à la médiane du marché.
Cependant, les entreprises peuvent avoir une politique de benchmark différente selon le type de poste ciblé. En résumé, pour les postes faisant l’objet d’une guerre des talents l’entreprise choisira d’adopter une politique du mieux-disant en se positionnant au plus haut du marché. En revanche, pour les postes les moins critiques ou sur lesquels elle veut générer du turn-over, elle choisira plutôt de se positionner au niveau de la médiane, voire d’une valeur inférieure du marché.
L’entreprise doit également définir la composante de rémunération «de comparaison». En effet, plusieurs composantes constituent la rémunération globale. Salaire de base, primes ou indemnités fixes et variables, avantages en nature, instruments de motivation à long terme, etc. Selon sa politique de rémunération, l’entreprise devra choisir l’agrégat qui définit au mieux le package de rémunération qu’elle propose. En règle générale, il est conseillé au minimum de s’appuyer sur l’agrégat «salaire total» (salaire de base majoré des primes et/ou indemnités fixes et variables).
Comment produire un rapport de compétitivité
Pour établir un rapport de compétitivité par rapport à un marché donné, l’entreprise peut choisir une approche «Job pricing». Ceci consiste à comparer la rémunération du poste chez l’entreprise avec celle du marché pour le même poste (d’où la nécessité de l’exercice de job matching précédemment cité). Le résultat du benchmark fera ressortir un ratio de comparaison qui lui permettra d’évaluer son positionnement par rapport au marché.
L’entreprise peut également choisir de comparer sa grille de rémunération de manière globale en identifiant les zones d’écart entre cette dernière et la courbe globale du marché. Cela lui permettra d’avoir une idée sur la compétitivité globale de sa grille par rapport à celle fournie par le marché.
Ainsi, les enquêtes de rémunération donnent aux entreprises une vue sur un marché donné. Une seule enquête, bien que répondant à priori au besoin de l’entreprise (panel de comparaison adéquat, méthode de classification adaptée, postes ciblés disponibles,…) ne lui offre que l’image d’un marché constitué d’un panel d’entreprises bien défini. L’idée est que l’entreprise doit idéalement baser son benchmark sur le plus grand nombre d’enquêtes possible (en étant bien entendu rigoureuse quant au choix de ces dernières) afin de se doter d’une vision plus large. Ainsi son diagnostic pourra s’appuyer sur une base de données plus étoffée et donc permettra de disposer d’un outil d’aide à la décision plus efficient.