Communication non violente, un art de vivre

La CNV, comme l’explique Marshal Rosenberg, est un art de vivre avec soi-même et avec les autres. La démarche consiste à  apprendre à  exprimer clairement aux autres ce qui satisfait nos besoins, en évitant toute forme de communication qui impliquerait une critique.

Le 7 février dernier, la grande famille du coaching a perdu l’un de ses plus grands ténors, Marshall Rosenberg(1). Celui-ci a marqué le chemin du développement personnel par la Communication Non-Violente, la CNV.

Qui mieux que lui pour vous parler de cette démarche. Je partage, avec vous mon échange posthume avec Marshall Rosenberg(2).

La communication non-violente est au service de la vie. La CNV, explique Marshal Rosenberg, est un art de vivre avec soi-même et avec les autres. Elle s’adresse à tout le monde. Comment peut-on la définir, Marshal? «La CNV est une carte. En général, on utilise une carte, quand on souhaite atteindre une destination. La CNV est une carte qui va nous permettre d’atteindre la destination dont parle le poète soufi Jalal Eddine Er-Roumi : “Il existe un lieu au-delà du bien et du mal. Je vous y retrouverai”».

Quelle est la caractéristique de ce lieu? «C’est un lieu ouÌ€ les besoins de chacun peuvent être satisfaits, par des intentions fondées sur la compassion». Comment y arriver? Le meilleur moyen est de «se connecter à ce qui est vivant en nous et chez les autres». Mais, c’est de moi qu’il s’agit, pourquoi l’autre ? «Parce que nous ne vivons pas seuls sur la planète. Lorsque chacun sait ce qu’il y a de vivant chez l’autre, la vision n’est pas obscurcie par des jugements moralisateurs. Alors, tout à coup, vous vous retrouvez dans ce lieu». Dit ainsi, cela semble facile, Marshall ! «Le problème, c’est que la plupart d’entre nous ont reçu d’autres cartes!» Ce sont les cartes utilisées par la majorité des gens. Elles permettent d’exceller dans l’identification de ce qui ne va pas chez l’autre. Ces cartes produisent des rapports de force et mènent vers le monde de la domination.

Est-ce aussi important un besoin ? «Tous les être vivants ont des besoins. La fonction d’un besoin est de créer la vie, de la rendre merveilleuse». Comment? Quand nous satisfaisons notre besoin de manger, nous donnons de l’énergie à notre corps. Quand nous satisfaisons le besoin de reconnaissance chez soi ou chez l’autre, nous boostons notre motivation ou la leur.

Puisque nous avons les mêmes besoins, il est où le problème ? A longueur de journée, explique Marshall Rosenberg, notre communication est basée sur les observations, fruit d’une réalité que nous avons construite. Pour comprendre le génie de Marshall Rosenberg, prenons l’exemple suivant: votre collègue parle très fort au téléphone. Vous devez boucler un rapport pour la réunion du lendemain. Réaction habituelle: “Hey! Tu te crois où ? Si tu veux raconter ta vie, tu le fais chez toi”.

En langage CNV, je lui dirai: “Quand tu parles très fort, je suis perturbée, parce que j’ai besoin de me concentrer. Est-ce que tu peux baisser le volume”.

Dans la première interpellation, ma réalité me fait émettre des jugements. Dans la seconde : je lui explique mon besoin et mon malaise.

La première entraîne une réaction de défense ou de rejet. La seconde a plus de chance d’induire un changement chez le collègue, car non-violente.

Il est où le secret ? «La puissance de la CNV est d’apprendre à exprimer clairement aux autres ce qui satisfait nos besoins, en évitant toute forme de communication qui impliquerait une critique».

Quand puis-je utiliser le langage CNV? “Les sentiments et les besoins sont vivants en nous 24 heures sur 24, parce que la vie est processus”. Selon la CNV, nos sentiments et nos émotions sont générés par la qualité de satisfaction de nos besoins. Quand un besoin est satisfait, nous ressentons des sentiments de plaisir. Dans le cas contraire, nous ressentons des sentiments douloureux.

Puisque tous les êtres humains ont les mêmes besoins, pourquoi nous ne parvenons pas à nous entendre ? “Le vrai problème est la stratégie adoptée pour les satisfaire”.

Si nous revenons à notre exemple, dans la première interpellation, j’attaque l’autre. Dans la seconde, je l’implique dans la satisfaction de mon besoin. L’autre point fort de la CNV, elle en a plusieurs, veiller à la satisfaction de ses besoins ET se soucier des besoins des autres. “Je ne peux pas bénéficier de quoi que ce soit à tes dépens”, insiste M. Rosenberg. Parce que nous avons été créés par la même énergie et faisons partie d’un même système. Les besoins de l’autre sont aussi importants que les miens.

Quand nous ne parvenons pas à satisfaire un besoin, nous ressentons un immense sentiment d’impuissance, qui génère la colère, qui peut amener, des fois, à la violence. Pourquoi ? Parce que nous avons été programmés pour dominer et non pour être reliés à la vie.

Pour Marsahll, la colère est précieuse, si nous savons l’utiliser, car elle est «au service de la vie. C’est une alarme de sécurité. Je suis très heureux de l’entendre se déclencher. C’est une occasion de me connecter à la vie». En CNV, la colère est le clignotant qui m’informe qu’un besoin n’est pas satisfait. Or, ayant été programmés pour dominer, en cas d’insatisfaction d’un besoin, nous avons tendance à juger et à punir. «Une grande partie de la population de la planète a été éduquée à penser et à fonctionner comme cela. Je ne suis donc pas du tout surpris par l’ampleur de la violence. Tant qu’on sera éduqué comme cela, la violence sera inévitable!»

Que faire alors ? «D’abord, apprécie ta colère!», car elle rappelle le besoin non-satisfait et ne pas la renier, ni la brimer. Ensuite, être à l’écoute de ce qui se dit à l’intérieur de soi !
«Ce n’est jamais ce que font les autres qui est à l’origine de notre colère, c’est notre manière de penser qui est aliénée. Les autres sont un stimuli pour nos sentiments. Ils ne sont jamais la cause de nos sentiments».

La colère est, donc, précieuse, car elle permet de transformer une pensée basée sur la violence en une pensée au service de la vie. Au lieu de me concentrer sur ce qui ne va pas chez les autres, je me concentre sur mes propres besoins.

L’ultime rêve de Marshall Rosenberg est de créer une société où règne une communication non-violente au service de la vie.
C’est un travail ardu et titanesque ! «Je crois que nous avons besoin d’une rééducation massive et très rapide pour revenir à une ‘spiritualité’ différente avec des structures au service de la vie».

Comment est-il possible? «Il faut d’abord s’occuper de nous, pour voir les choses clairement. On ne fait pas cela en disant: “C’est lamentable! Il faut que ça change!”, mais en se reliant à la vision d’un monde différent et combien plus beau, et quand on est animé par cette énergie, par cette vision, on peut changer, par la suite, les structures».

Au début, cela peut être difficile. Mais, il suffit de commencer. Les choses s’enclenchent facilement. «Si je permets à une certaine énergie de circuler en moi, cette énergie peut tout faire. Si je la laisse se connecter à l’énergie qui vient des autres, les résultats qu’elle produit sont étonnants! Vous verrez, c’est incroyable de constater à quelle vitesse les choses peuvent se produire !».

(1) Marshall Rosenberg est psychologue américain. Il était par ailleurs le créateur d’un processus de communication appelé Communication non violente (CNV) et le directeur pédagogique du  « Centre pour la Communication NonViolente » (Center for NonViolent Communication), une organisation internationale à but non lucratif.

Il a écrit de nombreux livres. Il s’est inspiré notamment de Carl Rogers et Gandhi.

(2)Source : Interview accordée par Marshall Rosenberg, avant une conférence qu’il avait donnée à l’Unesco, le 7 mars 2002.