Ces qualités qu’on recherche chez les cadres de haut niveau

Les patrons aiment les collaborateurs dévoués, mais l’esprit critique est considéré comme un plus important. On exige des cadres un nouveau rôle, celui d’interface avec les ressources humaines.
Deux, trois, voire six mois. Le processus de recrutement dure souvent très longtemps, surtout quand il s’agit de pourvoir un poste de cadre de haut niveau. C’est que les entreprises veulent faire de leur mieux pour éviter toute erreur qui peut se révéler lourde de conséquences. A ce titre, les critères de choix de la perle rare sont draconiens. En dressant le portrait-robot du cadre idéal, quelques managers et consultants que nous avons interrogés ont pratiquement avancé les mêmes qualités. Il est évident que pour conduire une équipe, il est indispensable d’être incollable dans son domaine de prédilection. C’est seulement à partir de là qu’on peut pouvoir imposer le respect à ses collaborateurs, ses collègues de même niveau hiérarchique et ses supérieurs.
Cependant, rien n’est totalement acquis sans les qualités personnelles, qui sont toutes aussi importantes car permettant d’évoluer dans n’importe quel environnement. Engagement, probité, empathie, implication, esprit d’initiative, esprit d’appartenance, solidarité, capacité à communiquer, esprit critique, sens des responsabilités, personnalité affirmée, discrétion, écoute et compétences techniques… tout cela revient le plus souvent quand on interroge des spécialistes en RH.
Mohamed Berhili, DG du groupe Hapimag Palmeraie Marrakech, fait remarquer que les qualités personnelles sont indispensables dans 70% des cas lors d’un recrutement, «surtout que dans un secteur comme l’hôtellerie/tourisme, il est impératif que les candidats sachent se comporter devant la clientèle».
Pour sa part, Abdelillah Sefrioui, consultant en ressources humaines, précise que le cadre d’aujourd’hui doit prendre en compte une nouvelle donne, celle d’avoir un rôle RH. On attend de lui qu’il ait le sens de l’équipe et le sens de la délégation. Vu sous l’angle de l’aptitude, le cadre se transforme même en gourou moderne, capable de cumuler le sens de l’écoute, la confiance en soi, le charisme et la rapidité d’action.
Aux antipodes du cadre exécutant, le cadre responsable doit donc prendre de la hauteur. Pour y parvenir, il lui faut consacrer du temps à la réflexion, mettre en œuvre des réseaux de connaissances et déployer des organisations qui favorisent le partage d’expérience. «Mais pour effectuer ces nouvelles tâches, il ne doit plus avoir à se justifier comme un simple producteur», souligne M. Sefrioui qui ajoute qu’«il faut donc réinventer les modes de fonctionnement dans les entreprises, apprendre à déléguer beaucoup plus et à s’organiser de manière différente…».
La culture de l’entreprise et son mode d’organisation influent considérablement sur la définition des qualités que l’on attend d’un cadre. «On peut parfaitement être performant dans une entreprise, et pas dans une autre», poursuit M. Sefrioui. Certaines entreprises apprécient les jeunes cadres ambitieux et battants, tandis que d’autres mettront l’accent sur l’humilité et la rigueur. Mais la plupart attendent aussi un certain conformisme.
Hicham Lakhmiri, DG du portail Amaljob, revient sur les fondamentaux. «La première des qualités à développer est la modestie. C’est une notion qui n’est pas toujours très valorisée en termes d’image, pourtant une modestie authentique associée à un esprit entrepreneurial et une ambition bien placée sont les clés de la réussite. A l’inverse, l’absence de modestie génère souvent une incapacité à se remettre en cause, à écouter les autres, à tirer profit de ses erreurs… et finalement à évoluer», précise-t-il.
L’image d’un patron se reflète sur ses collaborateurs
D’autre part, certains managers affirment que le feeling joue aussi un rôle important. Autrement dit, le contrat de travail constitue avant tout le lien qui unit un employeur à son collaborateur, mais l’affect vient souvent s’y mêler. Il s’agit d’une donne qu’il est pratiquement impossible d’ignorer. Généralement, les démissions pour «convenances personnelles» ou pour «réfléchir sur un projet personnel» cachent souvent le délitement d’une relation affective : je ne le supporte pas et vice versa, il n’est par conséquent plus possible de travailler ensemble. Ce sont ces aspects humains qui s’avèrent les plus difficiles à gérer dans une relation professionnelle, d’autant qu’on part du principe que la compétence est, dans l’absolu, une constante ou du moins doit être considéré comme telle.
Dans tous les cas, ce serait une illusion que de s’attendre à avoir sous la main un «mouton à cinq pattes» pour reprendre les consultants qui caricaturent ainsi les profils que leur soumettent les employeurs. M. Sefrioui le souligne d’ailleurs à bon escient. Pour lui, «un bon cadre n’existe pas ; c’est à l’entreprise de modéliser ses ressources humaines en les coachant».
Cela commence dès le recrutement. C’est une opération à mener avec précaution, surtout si elle concerne un proche collaborateur. En principe, les batteries de tests effectués lors des recrutements permettent d’identifier plus ou moins correctement les compétences professionnelles ou techniques et les qualités personnelles indispensables du futur collaborateur. «Ces critères permettent de limiter les dégâts en amont. Ils sont cependant insuffisants pour maintenir intacte une relation. Ces critères dépendent aussi du patron et de sa façon de fonctionner», estime M. Sefrioui. Il ajoute que «l’entente parfaite entre un manager et ses collaborateurs n’est jamais acquise. Une relation se construit de manière durable et s’entretient». Et, pour enfoncer le clou, il précise qu’il est indécent d’exiger de quelqu’un un système de valeurs auquel on n’adhère pas. Cela signifie que l’image d’un patron se reflète sur son ou ses collaborateurs.
Mohamed Berhili poursuit le raisonnement sous l’angle de la gestion des hommes, soulignant qu’on ne peut pas exiger de son collaborateur les mêmes motivations que les siennes si on ne le rétribue pas convenablement. En un mot, il faut être irréprochable en termes managériaux pour attirer des fidèles.