Annoncer une décision impopulaire : Questions à Jihanne Labib, DG du laboratoire du coaching, présidente de l’association Maroc Coaching

Jihanne Labib : «La meilleure des réponses est l’empathie»
La Vie éco : Gel des salaires, licenciement, déménagement, restructuration interne… certaines décisions passent mal auprès des équipes. A votre avis, comment doit-on s’y prendre ?
La principale difficulté réside dans l’insuffisance de la prise de recul. Des décisions hâtives ou mal travaillées peuvent avoir des conséquences néfastes pour la suite. A l’évidence, la peur de l’inconnu rend difficile la prise de décision, sans parler des conséquences négatives sur le moral des managers et l’aggravation du stress. Les situations que je rencontre souvent sont celles où les cadres dirigeants sont dans une situation de blocage, ils n’osent affronter les autres ou n’adhèrent pas aux décisions qui sont contraires à leurs valeurs.
Mon travail en tant que coach consiste à faire prendre conscience à ces managers de la gestion des émotions. C’est un travail de longue haleine où ils doivent faire la part des choses entre l’impatience, les doutes, la colère… tout en évitant les dérives émotionnelles. Car très souvent, les managers ont tendance à évacuer leur stress sur les autres alors qu’ils doivent être importateurs d’angoisse et exportateurs de sérénité.
La franchise doit rester de mise dans ces cas ?
Tout à fait ! Toute vérité n’est pas bonne à dire mais il est préférable de jouer franc-jeu en prêtant attention à la façon de transmettre et communiquer ces nouvelles. Il faut être en véritable écoute par rapport à l’autre, connaître l’état d’esprit de l’autre.
Par exemple, la question d’un refus d’augmentation de salaire clairement expliqué et nettement exprimé peut être salutaire : il peut inciter les indésirables à partir ou remettre sur les bons rails les collaborateurs «démotivés» par un manque d’objectifs et de visibilité..
Par ailleurs, si l’entreprise vit une période de crise, il est préférable de déclarer clairement que le budget ne permet pas cette augmentation. Ceci dit, il est également possible de récompenser autrement : primes, formation…
Comment gérer ses émotions dans ces cas ? Faut-il les partager ou les réfréner ?
La meilleure des réponses est l’empathie. Rester froid quand on annonce un licenciement ou un gel des salaires démontre un manque de respect même si on est en désaccord avec la personne. Le principe est d’accueillir, écouter et être capable de donner un feed-back. L’objectif optimal est de co-construire un cadre de travail.
La forme est importante dans la transmission d’un message, pouvez-vous être plus précis sur les pièges à éviter quand on est amené à le faire ?
Il y a le manque de respect pour son auditoire qui peut prendre plusieurs formes, que ce soit la désinvolture, l’arrogance, le mépris ou encore le manque d’écoute. Il faut aussi souligner l’incohérence du message qui peut représenter un inconvénient; plus on est clair dans sa tête, dans ses idées, plus on a des chances d’atteindre ses objectifs de communication. Il y a également la perception du plaisir chez le communicateur auquel on prête beaucoup d’attention: il n’y a rien de pire en effet que de donner l’impression que communiquer représente une corvée.
En résumé, je suis convaincue que c’est en parlant à l’intelligence des autres, en traduisant des émotions positives et en les canalisant vers des objectifs enthousiasmants que l’on obtient le meilleur impact, en termes d’objectifs organisationnels, de compréhension de messages et en efficacité personnelle.