Au Royaume
You speak chinese ?
Demain, le monde entier parlera Chinois ou anglais, alors que le Maroc se débat encore dans ses questions d’arabisation.
26octobre 2009. La scène se passe lors d’un dîner-débat organisé par La Vie éco autour du thème de l’enseignement. Le sujet de l’arabisation, comme à l’habitude, fait réagir la salle. Un homme d’âge respectable, présentant bien, paraissant homme de lettres et de culture, harangue le panel des intervenants en les incitant à parler en arabe, au nom du respect de leur identité marocaine. Gênés, ces derniers poursuivront le débat en arabe, Ahmed Akhchichine le ministre faisant même montre d’une excellente maîtrise des termes techniques.
9 novembre 2009. Le Maroc présente ses opportunités d’investissement à Londres. Des hommes d’affaires anglais font remarquer à nos VRP de luxe que pour vendre les avantages d’un pays, il faudrait que ses entreprises fassent plus d’efforts en matière de langue en fournissant notamment de la documentation en anglais. Et Salaheddine Mezouar de promettre, en français, que son département assisterait les sociétés cotées en la matière.
Entre les deux situations, un fossé. Question basique : comment le ministre des finances entend-il aider les entreprises à communiquer en anglais ? Il faudrait bien sûr former leurs cadres qui se mettront un jour à communiquer entre eux en anglais, puis parleront cette langue avec leurs pairs des autres sociétés cotées et, si ça se trouve, un jour il y aura (où il y a déjà eu ?) une conférence à la Bourse de Casa, où l’on ne parlera qu’anglais. Autre question posée cette fois-ci à cet honorable participant au dîner-débat qui considérait qu’il fallait que l’enseignement soit entièrement arabisé pour la sauvegarde de notre culture arabe : iwa, comment faire when it comes to find lkhadma, alayssa choughlou baytou lqassid ?
Plus que jamais la question des langues d’enseignement doit être posée. Etre marocain ce n’est pas parler arabe classique qui est une base, un socle sémantique, commun à plusieurs pays. Imagine-t-on l’Espagne, l’Italie et la France se mettre au latin ? Le débat est dépassé et l’identité d’un Marocain va bien au-delà d’une langue, c’est une accrétion entre vécu historique commun, un partage de valeurs sociétales et une construction culturelle et religieuse, qui intègre la darija, et qui paraît bien loin du seul arabe classique comme ciment. Dans un pays où le français est la langue des affaires, il faut bien maîtriser ce français, ce que le système d’enseignement actuel ne permet pas.
Mais le français en lui-même n’est qu’un moyen. Dans dix ans, l’informatique et Internet seront la base de la communication. Dans dix ans aussi, la moitié du contenu du Web sera en chinois et l’essentiel du reste, en anglais. Il faudra faire des choix pour l’avenir du pays. Arabe et anglais, arabe et chinois, les trois à la fois ? Attendre ne ferait que compliquer les choses. 再见 (à bientôt).