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Web-diffamation : La jurisprudence Aboukhlal

Le joueur de l’équipe nationale va soudainement se retrouver au cœur d’une polémique sur les réseaux sociaux. Le futur Code pénal va être intraitable contre les actes diffamatoires sur le net.

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Zakaria Aboukhlal, l’international marocain qui évolue au club de Toulouse, est réputé pour être quelqu’un de gentil, modeste ou, pour reprendre l’expression exacte, «mrabbi», bien éduqué. Il est né en février 2000 à Rotterdam (Pays-Bas), d’une mère marocaine, ancienne athlète et ancienne championne de course au Maroc, et d’un père libyen. Il aura quand même vécu une partie de son enfance au Maroc. En effet, de ses trois ans jusqu’à ses sept ans, il est inscrit à l’école maternelle où il apprend l’arabe. De retour en Hollande, il va être formé au PSV Eindhoven, et débute sa carrière professionnelle, l’été 2018, en Eerste Divisie, 2e division néerlandaise, avant de rejoindre l’AZ Alkmaar.
Pour jouer en équipe nationale, entre les Pays-Bas et la Libye, il va choisir le Maroc! Son cœur a basculé du côté du pays de sa mère. Et c’est ainsi qu’il va gagner sa place parmi les Lions de l’Atlas. C’est lui en fait qui, un certain 27 novembre, avait trompé le meilleur gardien du monde, Thibaut Courtois, dans le temps additionnel, enflammant les gradins au Qatar et au-delà tout le Maroc. Il va être décoré par le Souverain. Ce garçon va tout à coup se retrouver au cœur d’une polémique pour le moins que l’on puisse dire chimérique. Un site électronique l’accuse plus ou moins d’«apologie du terrorisme» et de «prosélytisme» ! C’est dire à quel point on ne peut pas faire un monde (de médias) sans absurde. Et puis c’est quoi le but ? Mettre en cause le comportement de l’international marocain lors de sa participation avec la sélection nationale en phase finale de la Coupe du monde ? Stigmatiser le joueur en focalisant sur sa foi ? Ternir une image plus dorée que jamais de la sélection et du football marocain en général ?

Un média hors-jeu
Certes, le média s’est rétracté plus tard en publiant des excuses, mais après avoir soulevé un tollé. Et on ne parle pas des réseaux sociaux où tout s’entremêle et s’enchevêtre. Plus absurde encore, qu’au lendemain de l’excellente prestation des Lions de l’Atlas au Qatar, on se réveille sur ce genre d’«affaires» d’accusations dénigrantes, avec en plus la FRMF qui monte au créneau pour condamner ces «fausses allégations»! Et le club de Toulouse qui s’érige à son tour en protecteur de son joueur…
Même le Conseil national de la presse (CNP) a réagi en annonçant soumettre ce dossier à la Commission de l’éthique professionnelle et des affaires disciplinaires. Le Conseil considère que l’article incriminé ne peut être considéré comme un travail journalistique qui se respecte. L’affaire va finir par atterrir au Parlement coïncidant avec un ordre du jour où la lutte contre la diffamation a été inscrite lors de la séance hebdomadaire consacrée aux questions orales. A quelque chose malheur est bon, semble-t-il. Le futur Code pénal va être intraitable contre les actes diffamatoires sur le net avec des peines plus sévères. Et Dieu sait comme ils sont nombreux ces «actes». C’est, en effet, une action à deux niveaux.

Réforme en deux temps
D’abord, «le phénomène de diffamation sur les sites web et les nouveaux médias sera traité de manière stricte. La dignité des gens et leur vie intime sont sacrées et intouchables», a notamment affirmé le ministre de la Justice Abdellatif Ouahbi, dans sa réponse à une question du groupe RNI à la Chambre des représentants. Il a indiqué que la Cour de cassation a rendu un arrêt, la semaine précédente, qu’il considère comme un important pas en avant, expliquant que ce qui est publié sur les réseaux sociaux ne relève pas des prérogatives du Code de la presse et de l’édition, mais du Code pénal. Cette jurisprudence poussera le ministère public vers l’application de la loi pénale sur les réseaux sociaux. Nul besoin donc d’envisager un encadrement légal spécifique à l’image du fameux projet de loi 22.20, présenté par le gouvernement du PJD et approuvé en Conseil de gouvernement en mars 2020, puis jeté aux oubliettes.
Ensuite, et comme il découle d’un débat national organisé au Parlement sur les médias et la société, il est aujourd’hui nécessaire de mettre en place une nouvelle vision relative au fonctionnement des médias nationaux. Cela en tenant compte principalement de la donne que représente l’émergence de la presse électronique et les nouveaux moyens de communication. L’espoir est que cette histoire, à dormir debout, débouche sur un «big data» plus mature, plus déontologique et plus professionel. Elle tombe à point nommée en cette phase de discussions autour d’un nouveau Code de la presse.

Les six défis de la réforme des médias

Cette réforme ne peut avoir lieu si l’on n’arrive pas à relever certains défis.
Le premier concerne la promotion des médias nationaux à un niveau qui soit à la hauteur du nouveau positionnement de notre pays en tant que pilier de la stabilité régionale.
Le deuxième est lié à la mobilisation de tous pour gagner le pari de la transition numérique et d’œuvrer pour que l’important potentiel qu’ils offrent ne soit pas utilisé pour promouvoir les informations fallacieuses.
Le troisième défi consiste à rejouer le rôle stratégique des médias dans la construction d’une opinion publique consciente des causes de son pays, de manière à faciliter sa participation à la gestion de la chose publique.
Le quatrième s’articule autour de la crédibilité et du sérieux de la pratique médiatique dans sa relation avec l’éthique de la profession.
Le cinquième concerne les autorités de régulation des médias audiovisuels et écrits (numérique et papier). A cet égard, et sans préjudice de la liberté d’opinion et d’expression, les entreprises médiatiques doivent se conformer aux décisions des institutions de régulation.
Enfin, le sixième défi concerne la formation, la formation continue et le rôle des institutions publiques et privées de formation aux métiers de la presse, des médias, de la communication et de leurs techniques.