Au Royaume
Une loi pour mettre fin à la pagaille des chantiers de construction
La loi 66-12 sur le contrôle et la répression des infractions en matière d’urbanisme établit pour la première fois un référentiel unique pour l’organisation des chantiers au Maroc. De l’ouverture à la fermeture du chantier, les professionnels doivent désormais se plier à des règles strictes.

Alors que les professionnels de la construction s’impatientent de voir venir le Code de la construction du ministère de l’habitat pour mettre de l’ordre dans l’acte de construire, c’est finalement une autre réglementation, passée presque inaperçue jusqu’à présent, qui devrait apporter le tour de vis tant attendu. Il s’agit de la loi 66-12 sur le contrôle et la répression des infractions en matière d’urbanisme et de construction initiée par le ministère de l’urbanisme. Ce nouveau texte, qui sera incessamment publié au Bulletin officiel, déterminera, en effet, pour la première fois un référentiel unique pour l’organisation des chantiers de construction au Maroc. Précisons bien que l’absence d’un tel cadre formalisé est l’un des principaux facteurs ayant mené aux récents effondrements d’immeubles en cours de construction, selon les professionnels.
Ainsi, la délivrance d’une autorisation de construire imposera désormais au bénéficiaire de déposer au siège de la commune, avant l’ouverture du chantier, une déclaration d’ouverture signée par l’architecte supervisant le chantier, et une copie doit être remise à l’autorité administrative locale. Aussi, la loi impose explicitement la pose d’une clôture entourant le chantier et la mise en place d’un panneau à l’entrée affichant le numéro de l’autorisation, sa date de délivrance, le nombre d’étages du projet… Ensuite, tout au long des travaux, tous les documents d’autorisation ainsi que les documents techniques réalisés par les ingénieurs spécialisés doivent être déposés au niveau du chantier. Et à la fin des travaux, une déclaration de fermeture du chantier et de fin des travaux, dans laquelle l’architecte supervisant le chantier certifie que les travaux ont été réalisés conformément aux plans autorisés, doit être déposée au siège de la commune.
Le contrôle confié à la police judiciaire
En outre, l’architecte a l’obligation de tenir pendant toute la durée des travaux un cahier de chantier, dont le modèle est fourni par l’administration. Entre autres informations, ce cahier doit contenir tous les éléments d’identification du chantier, la nature des travaux, l’identification des entrepreneurs selon la nature de leurs tâches, les dates, notes, remarques et visites des différents intervenants…
Naturellement, pour que ces nouvelles obligations soient effectivement mises en œuvre, il s’agit aussi de rendre le contrôle plus efficace, et le nouveau cadre s’attelle effectivement à cela.
D’abord, la nouvelle loi recense les infractions en matière d’urbanisme qui consistent en la réalisation d’une construction ou le démarrage des travaux sans autorisation préalable, le non-respect des dispositions des documents autorisés, la réalisation d’un projet sur un terrain non constructible ou appartenant à l’Etat. S’ajoute enfin à tout cela l’occupation d’une construction sans l’obtention du permis d’habiter ou du certificat de conformité ainsi que le non-respect des dispositions concernant le cahier de chantier.
Ensuite, la responsabilité du contrôle est attribuée avec plus de précision. Cette mission incombe jusqu’à présent à des fonctionnaires relevant de différentes autorités. Au lieu de cela, des fonctionnaires communaux ayant la qualité d’officiers de police judiciaire en auront désormais la charge, ce qui leur donne la possibilité de faire appel à la force publique dans l’exercice de leur fonction. Les officiers de la police judiciaire eux-mêmes peuvent constater les infractions. Ces contrôleurs devraient sévir de leur propre chef ou sur la base d’une dénonciation d’infraction par l’autorité administrative locale, le président du conseil communal, l’Agence urbaine, ou sur la base de la plainte de toute personne.
Des peines lourdes en cas d’infraction
Dans les faits, la nouvelle brigade transmet ses procès-verbaux d’infraction au parquet dans un délai de trois jours. Parallèlement, elle décide après la constatation de l’infraction l’arrêt immédiat des travaux. Les outils et matériaux de construction peuvent être saisis si le contrevenant ne s’exécute pas. Celui-ci dispose ensuite d’un délai de 10 jours à un mois pour se mettre en règle. Si ce délai n’est pas respecté, la démolition est ordonnée par l’autorité administrative locale.
En outre, le contrevenant est sanctionné par des amendes ou des peines de prison selon le cas. Ces mesures coercitives sont déterminées avec plus de précision par rapport à ce qui avait cours auparavant, de même qu’elles ont été revues à la hausse. Ainsi, par exemple, toute personne qui réalise un projet sans autorisation sur une zone non constructible encourt une amende allant de 10 000 à 100 000 DH. Et en cas de récidive dans un délai d’un an, une peine de 3 mois d’emprisonnement est prévue. L’amende est plus lourde encore lorsque l’infraction porte sur la réalisation d’un morcellement ou d’un lotissement non conforme. La barre monte dans ce cas jusqu’à 5 MDH et si ces projets sont réalisés sur des emplacements non autorisés, une peine d’emprisonnement de 1 à 5 ans s’applique.
Reste la question de savoir comment sont établies les complicités et comment les différents intervenants se partagent la responsabilité en cas d’infraction. Le nouveau cadre y apporte une réponse tranchée et il prévoit de punir des mêmes peines le maître d’ouvrage, l’entrepreneur réalisant les travaux, l’architecte et l’architecte spécialisé ainsi que l’ingénieur topographe s’ils ne dénoncent pas l’infraction dans un délai de 48h après en avoir pris connaissance, et plus généralement toute personne ayant adressé des ordres ayant conduit aux infractions ainsi que les personnes qui ont facilité et contribué à l’infraction.
