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Au Royaume

Un instant de vérité

Il faut accélérer les réformes pour éviter que l’histoire du Maroc ne connaisse les mêmes soubresauts.

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C’est une première dans un pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient ! Deux cents victimes des années de plomb témoigneront de leur douloureuse expérience en direct à la télévision publique marocaine. Ces auditions publiques, qui démarreront le 15 décembre, seront un moment d’une intense vérité où nombre d’événements de l’histoire contemporaine nationale ne resteront plus tabous : émeutes du Rif de 1959, disparitions, centres de détention secrets, incarcération arbitraire, torture…
En organisant ces auditions publiques, l’Instance équité et réconciliation (IER) cherche à mobiliser l’opinion publique pour préserver la mémoire – lire la page sombre de notre passé avant de la tourner – et faire aboutir des réformes juridiques afin que les violations des droits de l’homme ne se reproduisent pas. La mission de l’IER consiste, par ailleurs, à effacer les séquelles de ces violations par la réparation (indemnisation), la réhabilitation et la réinsertion des victimes et l’établissement des responsabilités des organes étatiques dans les violations.
Ce sont là des progrès indéniables sur la voie de l’édification d’un Etat de droit. Mais deux observations divisent l’opinion publique. Primo, pourquoi interdire aux victimes participant aux auditions publiques de mettre en cause la responsabilité individuelle des personnes impliquées dans les violations des droits de l’homme ? Secundo, pourquoi limiter la mission de l’IER à la seule période antérieure à 1999 ?
La réponse à la première question réside dans un ensemble de considérations constitutionnelles, juridiques et politiques (voir explications page 44). Mais, grosso modo, on peut dire que l’IER étant une instance extrajudiciaire, la mise en cause de la responsabilité individuelle est du seul ressort des tribunaux. Il faut, ici, veiller à ne pas confondre les revendications fondées sur l’ignorance de la loi et le légitime impératif de lutte contre l’impunité.
Quant à la deuxième question, on sait, certes, que c’est le dahir créant et organisant l’IER qui fixe cette limite. Mais, au-delà, on ne peut occulter les rapports nationaux et internationaux qui dénoncent des violations des droits de l’homme après le 16 mai (attentats de Casablanca). La réplique fuse à l’IER : il s’agit de simples dépassements et non point d’une politique systématique. Même pour ces dépassements, et considérant que le Maroc est un Etat de droit, il faut ouvrir des enquêtes et traduire en justice les coupables. Cela signifie aussi qu’il faut accélérer l’introduction de réformes pour éviter que cela ne se reproduise et que l’histoire du Maroc ne connaisse à nouveau les mêmes soubresauts.