Au Royaume
Un homme de défis
Après avoir entamé des études supérieures sans grande conviction en France, il se retrouve aux Etats-Unis où il décroche un bachelor et un MBA.
CIH, BDF, Métro, puis Suzuki Maroc…, à cinquante ans, il aura eu un parcours très dense.
Depuis trois ans, il booste les résultats de Sopriam dont il est le PDG.

Il est des personnes que le destin a bien servies et qui de prime abord n’ont eu qu’à capitaliser les opportunités qui se sont présentées à elles. Elles n’ont même pas eu besoin de suivre le conseil de Sacha Guitry selon lequel le talent suprême est de faire croire qu’on en a, car, elles, elles en ont.
Abderrahim Benkirane, PDG de Sopriam, importateur de Peugeot et Citroën et président de l’Association des importateurs de véhicules automobiles du Maroc (Aivam), fait partie de cette catégorie, même quand il affirme que le travail est la valeur absolue de ce monde et que la vie n’a pas toujours été rose pour lui.
Au premier abord, cet homme, dont beaucoup de qualités ne se voient pas du premier coup, donne l’impression d’une certaine timidité. Mais on révise rapidement son jugement. Derrière cet air inoffensif se cache une formidable capacité de persuasion.
D’ailleurs, son parcours à la tête de plusieurs entreprises, dont des filiales de multinationales, met en évidence ses qualités de gestionnaire et de meneur d’hommes. Mais commençons par le commencement.
Abderrahim Benkirane est né à Marrakech, en 1957, dans une famille de huit enfants. Son père, homme d’affaires dans l’immobilier et l’agriculture, le poussera très tôt à être autonome.
A 10 ans, il est déjà interne dans une école privée de la capitale économique, loin de la famille. La transhumance, il connaît puisqu’il revient dans la ville ocre pour ses études secondaires, et c’est là qu’il obtient un bac sciences expérimentales, en 1976. Il se met alors en tête de s’inscrire à l’Institut supérieur de commerce et d’administration des entreprises (Iscae), mais «oublie» de passer le concours…
Un «blanc» dans son parcours, qui ne durera que quelques mois. Nous sommes en 1977 et Abderrahim Benkirane prend la décision d’aller à Strasbourg pour s’inscrire, sans grande conviction, à l’université Louis Pasteur. Le destin sera son allié. Un héritage lui permet de changer son fusil d’épaule.
Il choisit alors d’aller à Los Angeles «sans trop savoir pourquoi», mais, très vite, il trouvera son chemin. En 1980, il s’inscrit à l’Ucla (university of California) pour préparer un MBA. Il est tellement motivé qu’il accumule des unités de valeur dans une autre université, le Santa Monica College, qui a des accords avec son université d’origine.
Début de carrière dans
le lobbying
Etudiant aisé ? «Pas si aisé que ça, se souvient avec une pointe de nostalgie M. Benkirane. Et même dans la dèche parfois». Les études au pays de l’oncle Sam sont chères et le coût de la vie élevé. L’argent commence à manquer.
«J’ai dû faire toutes sortes de petits boulots, entre autres peintre de bâtiment, serveur, enseignant de français ou encore commercial pour joindre les deux bouts», confie-t-il. Parallèlement, Abderrahim Benkirane était très engagé dans le monde associatif estudiantin. «J’ai même été président de l’International students, un club qui comptait des membres de plus de 80 nationalités», souligne-t-il.
Après un bachelor obtenu en 1982, et un master deux ans plus tard, diplômes qui l’ont amené à se familiariser avec le business à l’international et la gestion dans les multinationales, il est recruté par Power House, une agence de lobbying. Passionnant, le métier est cependant inexistant au Maroc, et même en Europe. Comprenant qu’il risque d’être en déphasage avec le marché du travail, Abderrahim Benkirane rentre au pays. Nous sommes en 1987.
Le marché du travail est porteur et ils se retrouve analyste économique au CIH. Mais il avoue ne pas s’être vraiment adapté à la rigidité de la banque. Sans vraiment chercher, il trouve ensuite un poste de responsable de la planification industrielle chez BDF qui commercialise des marques comme Nivea, Atrix et Hansaplast. C’était à la mi-1988. Son patron lui donne six mois pour obtenir des résultats.
Il est alors loin d’imaginer qu’il allait être promu directeur commercial et marketing l’année suivante, puis qu’il aurait, en 1990, une charge de travail supplémentaire, celle de superviser les ventes à l’export. Sa carrière semble alors toute tracée.
Pourtant, en 1991, il abandonne ses responsabilités chez BDF pour répondre à l’appel de Makro (devenue Metro), qui était en cours d’installation. Il n’y restera pas longtemps.
En effet, moins d’une année plus tard, c’est le même patron de BDF au Maroc qui le rappelle pour lui faire une offre tout à fait invraisemblable : le remplacer. Non seulement il ne se précipite pas, mais il exige d’avoir le même salaire que celui qu’il doit remplacer. La multinationale accepte ses conditions et lui confie la filiale, qu’il dirigea avec brio.
S’expatrier ? Non merci !
Mais Abderrahim Benkirane ne tient pas longtemps en place et avoue à un des patrons de la firme qu’il commence à s’ennuyer après cinq années dans la même entreprise. En 1996, il refuse le poste qu’on lui propose à Dubaï – l’expatriation ne l’a jamais tenté, même s’il a fait du consulting pour des entreprises du Golfe – et préfère relever un autre challenge: ouvrir la concession Suzuki au Maroc.
Il recrute une soixantaine de personnes et démarre en trombe grâce à l’arrivée de la Baleno. Dès la première année, la société est leader national du 4×4 qu’il avait promis de démocratiser. Il reste à la tête de Suzuki Maroc jusqu’en 2004, année durant laquelle il reçoit une proposition de Sopriam.
Il quittera Suzuki avec le sentiment du devoir accompli. D’ailleurs, son président avait été tellement content de ses services qu’il lui avait offert, en 2001, une formation de «senior executive management» au sein de la prestigieuse Harvard Business School.
Aujourd’hui, il semble s’être assagi et, apparemment, a signé un long bail avec Sopriam, qui emploie 500 personnes et vend plus de 20 000 véhicules contre 16 000 au moment de sa prise de fonction en 2004. Son futur challenge ? «Vendre plus, vendre mieux».
