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TPME-Etat des lieux : De grands pans du tissu productif exclus du financement

Pour se financer, les TPME recourent à hauteur de 82% à l’entourage, aux avances des associés, ou aux règlements différés auprès des fournisseurs. Plus de 30% des entreprises évitent de recourir au crédit bancaire pour des raisons religieuses. Les mécanismes publics d’appui au financement peu connus et marginalement utilisés !

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TPME

L’accès au financement s’invite, depuis plusieurs années déjà, à tous les débats concernant la très petite, petite, et moyenne entreprise (TPME). Constat de départ : cette population d’entreprises, qui pèse plus de 95% du tissu productif national, selon les différentes estimations, reste très peu servie par les institutions financières. D’après des données récentes de fournisseurs de données financières se basant sur une large base de bilans comptables, le crédit bancaire pèse environ 25% des sources de financement pour les PME et moins de 15% pour les TPE ! Cette appétence des établissements bancaires à servir la TPME est confirmée par les résultats de l’enquête de Bank Al-Maghrib sur les micro-entreprises et les TPE. Selon cette enquête, dont les résultats ont été dévoilés dans le dernier rapport sur les infrastructures des marchés financiers, des moyens de paiement et de l’inclusion financière, quand ces petites structures rencontrent des problèmes de trésorerie, elles recourent à hauteur de 82% à l’entourage ou aux règlements différés auprès des fournisseurs (crédit inter-entreprises). Ce dernier frôle la barre des 430 milliards de DH, un niveau plus élevé que l’ensemble des concours bancaires octroyés aux entreprises du privé !

L’enquête montre que pour le choix de l’offre de financement, le coût des crédits est le principal critère de décision (58%), suivi de la souplesse accordée en cas de difficulté de paiement (34%) et du montant de la traite (31%). Par ailleurs, le faible volume d’activité (45% des entités sondées) semble être le principal frein à la bancarisation, suivi par le manque de besoin (41% des entités sondées) et le manque de confiance dans les banques (13%).

Ces données sont corroborées par le Haut commissariat au plan (HCP). Dans son enquête 2019 sur les entreprises, l’institution révèle que les TPME sont les plus confrontées aux difficultés d’accès au financement qui constitue un obstacle sévère pour 40% d’entre elles. Le HCP relève que 35% des entreprises ont demandé un crédit auprès d’une institution bancaire au cours des trois dernières années. Cette proportion est de 56% pour les GE et de 27% pour les TPE. Le taux d’intérêt élevé ainsi que les garanties exigées par les banques sont les principaux freins à la demande de crédit. De plus, l’enquête révèle un facteur de taille : près de 33% des entreprises évitent de recourir au crédit bancaire pour des raisons religieuses. Pour les chefs d’entreprises sondés, les deux facteurs les plus déterminants pour l’accès au financement bancaire, à savoir les garanties exigées et le taux d’intérêt, se sont davantage resserrés en 2019 ! Comment s’explique, alors, cet état des lieux sur l’accès au financement ?

Officiels, banquiers, et spécialistes s’accordent à dire que les TPME marocaines sont caractérisées par la fragilité de la structure financière, la sous-capitalisation, la faiblesse des actifs, et le manque de transparence. Ces constats peuvent s’expliquer par des facteurs endogènes et par des facteurs exogènes. Naturellement, ces faiblesses et autres se traduisent par des difficultés d’accès aux financements externes. Les bailleurs de fonds demeurent loin de répondre aux besoins spécifiques des PME, ce qui conduit ces entreprises vers le financement informel (proches, amis, épargne personnel) et empêche d’autres d’intégrer le marché de financement formel.
De façon plus générale, les TPME marocaines font face à plusieurs difficultés non seulement financières, mais qui débouchent sur des besoins de financement supplémentaires. Ces difficultés proviennent de la relation avec les bailleurs de fonds externes, des asymétries informationnelles, de risque moral, coûts d’obtention du financement jugés plus élevés, cadre réglementaire et judiciaire déficient, manque de garanties, et inadaptation des produits financiers aux besoins des PME. Les experts soulignent qu’il existe d’autres causes liées à l’inexistence de la planification, et l’inadéquation des pratiques comptables et fiscales aux spécificités des PME.

D’après Bank Al-Maghrib, les niveaux d’informel et de cash, utilisé dans une grande mesure, pénalisent l’inclusion financière de ces entreprises, en particulier du fait de l’incapacité des opérateurs financiers à apprécier le risque de ces segments et l’appréhension de ces populations par rapport aux circuits financiers formels. Selon la banque centrale, ce caractère informel complexifie l’accès au crédit bancaire pour les particuliers et les entreprises en raison notamment du peu de garanties et de sûretés à apporter pour un crédit, et du peu de connaissance des comptes de résultats des entreprises.

Pour dépasser ces carences qui empêchent les TPME de décrocher facilement le sésame du financement, les pouvoirs publics, conscients de l’impact que peut avoir le manque de ressources sur le développement de ce tissu crucial pour toute l’économie ont mis en place plusieurs dispositifs d’appui public au financement. Le gros des solutions est porté par Maroc PME et la Caisse centrale de garantie (CCG). Ces deux organismes, entre autres institutions, proposent une large palette de produits pour aider les TPME à se financer ( voir article Maroc PME et article CCG ). Subventionnement, primes, aides, prêts d’honneur, garanties, etc., les produits proposés couvrent tous les stades de vie de l’entreprise et tous les besoins afférents à chaque étape de la création/amorçage à l’investissement, en passant par l’exploitation et les opérations à l’international… De plus, la plupart de ces établissements se sont doté sur les dernières années d’organisation identique à celles des banques commerciales et ont fait un grand travail pour améliorer la capillarité de leurs réseaux et leur présence territoriale.

Les banques pas très présentes sur le conseil

Sauf que le recours à ces instruments publics d’appui au financement reste très limité. Les TPME ne mettent pas encore à profit ces solutions qui leur sont destinées. D’après les chiffres officiels, sur un tissu entrepreneurial de plus de 2 millions de TPE (réalisant moins de 10 MDH de chiffre d’affaires) et 35000 PME (CA compris entre 10 et 200 MDH), moins de 10 000 ont bénéficié d’offres d’appui public pour accéder au financement en 2017! Il s’agit, alors, d’une problématique de demande plus qu’une déficience au niveau de l’offre d’accompagnement.

En tête des raisons invoquées pour expliquer ce recours très timide à des solutions qui font sauter le verrou de l’accès au financement figure le manque d’information des gérants et managers de TPME dû lui-même au déficit de communication des établissements de gestion des aides et garanties. Selon les données de ces organismes basées sur des enquêtes auprès des chefs d’entreprises, une toute petite minorité est au courant de l’existence des offres d’aide et des mécanismes de garantie pour l’accès au financement.

De plus, une partie de la responsabilité est également endossée par les banques qui ne sont pas très présentes sur le conseil et restent confinées dans les missions de la banque classique et basique. Sachant que pour bénéficier des instruments d’appui au financement, la banque joue un rôle d’interface entre la TPME cliente et l’organisme public. En dehors de ces mécansimes d’aide, le crédit-bail et les institutions de microfinance, grâce à leur proximité avec les emprunteurs (PME), s’érigent en alternative au vu de leur nature : ce sont des instruments de financement plus attractifs pour le segment des TPME qui souvent n’ont pas une surface patrimoniale d’actifs à fournir aux banques comme garanties.

Un guide exhaustif des instruments d’appui à destination des TPME

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Les TPME renforcent légèrement leurs capitaux

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