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Au Royaume

Tiens, fume !

39 200 personnes meurent chaque année au Maroc à  cause du tabagisme. Une loi pour renforcer la lutte, amendée il y a un an, n’est toujours pas parue au B.O. l’impôt sur le tabac rapporte 6,9 milliards de DH par an à  l’Etat.

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Il y a un peu plus d’un an, la loi antitabac subissait un sérieux toilettage en vue de rendre applicable un texte (loi 15-91) mais qui n’a jamais été pris au sérieux. Il y a 15 ans, le Maroc décrétait déjà, dans la foulée de la prise de conscience mondiale, l’interdiction de fumer et de faire de la publicité pour le tabac dans les lieux publics. Pour des raisons politiciennes plus que de réelle volonté, le texte fut adopté et entra en application en juin 1995. Seulement, l’autorité chargée d’appliquer les dispositions de la loi ne fut ni créée ni encore moins déterminée.

En janvier 2009, sous la pression du PJD et avec la bénédiction du gouvernement, un amendement du texte fut adopté : re-interdiction de fumer dans les lieux publics, interdiction de vente aux mineurs, pas de bureaux de tabacs à côté des écoles, marquage des paquets avec des messages alarmants…, de quoi réellement se réjouir. Là encore, et malheureusement, on en est resté au marketing : la loi qui n’a même pas été publiée au Bulletin officiel (voir page 6) n’est pas accompagnée de textes d’application ni d’un véritable plan antitabac. Car, il ne suffit pas de lois, il faut en amont rendre le tabac inaccessible à l’achat par une politique de prix élevé, difficile à consommer à travers des restrictions de lieu, culpabilisant grâce à la sensibilisation et la publicité. Rien de tout cela chez nous.

Examinons alors les chiffres. Les résultats de la plus récente enquête, menée en 2007, auprès d’un large échantillon de la population,  étaient alarmants : 18% des Marocains fument, 60% de ces fumeurs ont entre 20 et 39 ans et sont donc susceptibles de fumer encore pendant 20 autres années s’ils ne décèdent pas des ravages causés par leur addiction. En extrapolant le ratio de mortalité liée au tabagisme appliqué à deux pays que sont la France et les Etats-Unis, on tombe sur un chiffre qui fait peur : avec ses 18% de fumeurs, le Maroc enregistre chaque année 39 200 décès liés, directement ou non, à la consommation du tabac. Quatre fois plus que le nombre de morts par accidents de la route à propos duquel on a mis en place une armada de mesures. Cela sans compter le coût induit des maladies liées au tabac, des problèmes sociaux qui en résultent quand une famille perd l’un des siens.

La réalité est que la question de la lutte contre le tabagisme amuse plus qu’autre chose, les responsables estimant sans doute avoir d’autres chats à fouetter. A moins que ce ne soit la crainte de voir les 6,9 milliards de DH de revenus tirés des impôts sur la vente de tabac baisser. Allons, allons, ils ne sont pas, à ce point, machiavéliques…