Au Royaume
Tanger : les promoteurs immobiliers mécontents du nouveau plan d’aménagement
Des terrains sont illégalement affectés à des équipements publics. Des règles urbanistiques plus dures réduisent les possibilités d’exploitation optimale du foncier. Les lotisseurs contraints de construire le front de leurs projets s’ils donnent sur une voie publique de plus de 20 mètres.

La grogne monte à Tanger contre le nouveau plan d’aménagement. Les promoteurs immobiliers de la ville pointent plusieurs anomalies surprenantes dans le nouveau document devenu opposable aux tiers depuis mars dernier, à l’issue d’une phase d’enquête publique et après un processus d’élaboration qui aura duré 5 ans. Réunis sous la bannière de l’Union des promoteurs immobiliers de Tanger (UPIT), ils échangent régulièrement avec les autorités locales à propos de ces ratés. Promesse leur a été faite d’apporter des révisions qui restent effectivement possibles avant l’homologation toujours en cours, apprend-on auprès de l’UPIT.
Une première anomalie relevée par les promoteurs immobiliers concerne l’affectation illégale de certaines zones à des équipements publics. En effet, les espaces en question avaient déjà été réservés, par voie de déclaration d’utilité publique, à des équipements dans le précédent plan d’aménagement sans que ceux-ci ne soient effectivement réalisés. Or, la loi 12-90 sur l’urbanisme prévoit que «les effets de la déclaration d’utilité publique cessent à l’expiration d’un délai de 10 ans à compter de la date de publication au Bulletin officiel du texte d’approbation du plan d’aménagement et aucune nouvelle déclaration d’utilité publique poursuivant le même objet ne peut intervenir sur les zones réservées auxdits équipements». Cela ne redevient possible qu’après un délai de 10 ans, toujours selon la réglementation, ce qui n’a manifestement pas été respecté par le nouveau document, selon les promoteurs. Ces derniers se plaignent également d’une nouvelle disposition qui soumet tout projet de lotissement ou d’habitation à une obligation de front bâti dès lors qu’il donne sur des voies publiques supérieures ou égales à 20 mètres. «Cette disposition est injuste pour les lotisseurs à qui on impose désormais la construction alors que leur métier se limite à viabiliser et équiper un terrain», explique l’UPIT. Mais tout en se plaignant de cette contrainte, les professionnels concèdent son importance pour la préservation du paysage urbain. Au bord des voies publiques, les bâtiments sont en effet plus agréables à l’œil que les terrains vides. Pour que tout le monde s’y retrouve, les promoteurs proposent aux pouvoirs publics d’autoriser le morcellement de la partie correspondante au front bâti et de permettre la réalisation et la réception du lotissement même avant la construction du front.
Incertitudes sur les ensembles résidentiels en cours de réalisation par tranche
L’Union des promoteurs est plus que tout gênée par un durcissement des règles urbanistiques dans le cadre du nouveau plan d’aménagement. Dans la ligne de mire des professionnels, les zones inconstructibles imposées par rapport au domaine public et entre les constructions. En plus d’être parfois inapplicables, celles-ci limiteront immanquablement le rendement des parcelles, selon les professionnels. Ils expliquent, par exemple, qu’un lot de 15 m de façade et d’une profondeur de 46 m, soit une superficie de 690 m2, ne pourra être construit que sur 225 m2, selon les nouvelles règles, ce qui ne représente même pas le tiers de la surface totale. Dans le même registre, le nouveau plan d’aménagement contient une décision radicale consistant en la suppression des retraits successifs en façade (recul des étages en hauteur). Les professionnels soutiennent que cette disposition devrait alourdir l’incidence foncière sur leurs projets et, sachant que les terrains sont déjà chers à Tanger, les produits finaux pourront être moins accessibles pour les acheteurs, avertissent-ils.
L’UPIT recense d’autres omissions au niveau du nouveau plan, à savoir que plusieurs parcelles qui ont déjà été autorisées n’ont pas été intégrées comme Zone avec plan autorisé (ZPA) dans le nouveau document. Il en est de même pour des projets qui ont reçu l’approbation des plans de masse, notamment des ensembles résidentiels en cours de réalisation par tranche. Des questions se posent de fait quant au sort de ces zones : pourront-elles profiter des conditions déjà accordées ou devront-elles se soumettre aux nouvelles dispositions ?
Le nouveau plan d’aménagement laisse aussi planer le doute sur le traitement des terrains qui ne respectent pas le nouveau minimum parcellaire (surface minimale d’un terrain pour qu’il puisse être construit) établi. La logique voudrait que les parcelles de terrain constituées avant l’entrée en vigueur du nouveau document non conformes aux nouvelles dispositions soient tout de même recevables. Et effectivement le nouveau document prévoit bien cela, à la condition que ces parcelles fassent l’objet de recherches techniques et urbanistiques en vue de leur constructibilité. Une condition fourre-tout, estiment les professionnels, qui demandent plus de clarté sur la question.
