Au Royaume
Street coiffure : un business qui fait florès
À l’ancienne médina, des Subsahariennes offrent des prestations esthétiques en plein air, dans une sorte de salon de coiffure à ciel ouvert. Zoom sur une affaire qui attire de plus en plus de clientèle.
Bab Marrakech, dans la médina de Casablanca. Dans une des allées, Aïcha a pris possession d’un petit carré pour proposer ses services. «Nous avons tout ce dont vous avez besoin : tresses, manucure, pédicure, pose de cils…», lance-t-elle aux passantes, son sourire le plus charmeur sur les lèvres. Cette trentenaire, d’origine sénégalaise, est arrivée au Maroc il y a une dizaine d’années avec ses deux enfants en bas âge.
Plutôt que de s’apitoyer sur son sort ou ses conditions (pas toujours faciles) de migrante, elle a décidé de gagner sa vie dignement en capitalisant sur ce qu’elle sait faire de mieux : coiffure et esthétique typiquement africaines. «Avant de m’installer ici, j’ai cherché pendant longtemps à décrocher un travail, entre autres dans des salons de beauté». Aujourd’hui, tout le monde la connaît dans ce souk très animé de la métropole. «Au début, j’ai trouvé des difficultés à me faire une place dans cette zone. Mais aujourd’hui, je gagne relativement bien ma vie grâce à ce travail et j’ai même des clientes régulières», raconte-t-elle.
Salon de coiffure en free-zone
Ce type de services en plein air semble avoir la cote auprès des Casablancaises, qui n’hésitent plus à se livrer à ces séances de beauté en public. C’est le cas de Jihane, l’une des clientes fidèles de Aïcha qui vient s’installer sur le tabouret. Pour aujourd’hui, ça sera extension de cils. «J’aime beaucoup le résultat, ça tient jusqu’à un mois. La pose des cils est à 100 dirhams à Bab Marrakech, alors qu’elle coûte plus de 400 dirhams dans un salon», nous explique la jeune cliente en essayant de ne pas trop bouger pendant que la jeune esthéticienne manipule à l’aide d’une petite pince des cils artificiels avec une substance visqueuse posée sur un bout de papier servant de colle.
Les tarifs imbattables de ce genre de prestations séduisent une clientèle à petit budget. Chez Aïcha – qui n’a besoin de payer ni loyer ni impôts – le prix d’une extension de cheveux varie entre 500 et 700 dirhams et peut aller jusqu’à 1.500 dirhams pour une extension de cheveux naturels. Quant aux faux ongles, les tarifs oscillent entre 50 et 300 dirhams, alors que le rasta est de 200 à 300 dirhams. Dans des instituts de beauté qui ont pignon sur rue, ce genre de prestations coûte 2 à 5 fois plus.
L’esthéticienne affirme faire moins cher que ces salons avec une qualité des produits utilisés qui n’a rien à envier à ceux des «concurrents». «Comme pour les instituts, on se fournit en vernis et en colle à Derb Omar. Mais il y a d’autres produits comme les ongles, les mèches et quelques types de crèmes qui ne viennent pas du Maroc. Des commerçants les ramènent du Sénégal pour nous les vendre», explique-t-elle.
Mais contrairement aux salons climatisés, le business de la coiffure en plein air dépend directement des aléas climatiques. «Impossible de travailler quand il pleut ou quand il fait trop froid», explique Aïcha qui se fait naturellement plus d’argent en été qu’en hiver. «Les bonnes journées, je gagne jusqu’à 1.000 dirhams, mais il y a des journées sans», soupire-t-elle. «Mais le plus important, c’est que j’arrive à m’en sortir», ajoute-t-elle en souriant.
