Au Royaume
Savoir raison garder
Casablanca n’est ni Wall Street ni Londres, encore moins Paris. Il faut souhaiter, s’il y a retournement de tendance, que l’atterrissage se fasse en douceur.
Tous les indices du marché des actions ont pris plus de 50 % en quatre mois. Cette performance est tellement inhabituelle qu’il est impossible de la passer sous silence. Analystes et observateurs se perdent en conjectures pour expliquer le phénomène. La justification la mieux partagée est que le manque de papier, conjugué à une économie très liquide et à l’afflux de fonds étrangers, a tiré les cours à la hausse. D’autres commentateurs mettent l’accent sur la bonne santé des sociétés cotées et de manière plus large sur celle de l’économie.
Il y a du vrai dans tout cela parce qu’après tout, le marché est d’abord régi par la loi de l’offre et de la demande et qu’ensuite l’investissement en Bourse est un pari sur le futur. Et quand tous les clignotants sont au vert, la confiance reste intacte. Mais est-ce suffisant pour expliquer l’évolution actuelle de la Bourse de Casablanca ? Loin de nous l’idée de jouer les Cassandre pour casser la dynamique, mais quand certains intervenants jugent mordicus que le marché, qui a pourtant terminé l’année précédente en apothéose avec un gain de 30 %, n’est pas très cher, l’on est obligé de tiquer.
La configuration actuelle est comme un atavisme. Vers la fin des années 90, les mêmes propos ressassés par des analystes, qui ont fait croire que tout se passe à la Bourse, avaient conduit tout droit au gouffre pendant au moins trois longues années. Beaucoup plus pernicieux est le fait que la mode du rachat des actions – une opération que l’on ne peut remettre en cause tant qu’elle se fait dans les règles de l’art – confère une valeur assez superficielle à certaines sociétés cotées.
Dans le contexte actuel, ce n’est pas tant pour les gros institutionnels et autres fonds étrangers que l’on a peur. Ils sont assez outillés pour mesurer les risques et entrer ou sortir selon un timing précis. Le souci est pour les petits porteurs, dont une grande partie avait laissé des plumes lors de la débandade de la fin des années 90, et qui font entièrement confiance à leurs mandataires. Dans ces moments d’euphorie, il faut donc savoir raison garder parce que, in fine, la richesse d’une place boursière ne tient qu’à la compétence et au savoir-faire de ceux qui l’animent. Casablanca n’est ni Wall Street ni Londres, encore moins Paris. C’est une place qui se construit toujours et doit gagner en crédibilité. Comme l’histoire d’une Bourse est faite de hausses et de baisses, il ne reste pour l’heure qu’à souhaiter, s’il y a retournement de tendance, que l’atterrissage se fasse en douceur.
