Au Royaume
Roberto Azevedo : un redoutable négociateur aux commandes d’une OMC controversée
En presque 20 ans d’existence, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) aura fait suffisamment de chemin pour mériter un diplomate du Sud à ses commandes et encadré assez de négociations inabouties pour mesurer l’ampleur du fiasco.

Les dures leçons de la déconvenue pèsent sur la toute nouvelle équipe dirigeante mise sur pied, en septembre, autour d’un patron jusque-là inattendu. De fait, le choix du Brésilien Roberto Azevedo, parmi neuf prétendants à la succession de Pascal Lamy, marque le penchant des Etats membres pour un diplomate de carrière, connu pour être un « constructeur de consensus ».
La tâche ne s’annonce pas de tout repos. D’ailleurs, son prédécesseur l’a prévenu dès le premier jour : « l’OMC bouge comme un énorme pétrolier et son directeur général n’est pas son capitaine. Il lui faudra ramer pour vaincre la tendance des diplomates à la procrastination ».
La métaphore est ici d’une grande pertinence : Azevêdo hérite d’un navire à la dérive et dont les occupants sont gagnés par un profond sentiment d’exaspération et frôlent le désespoir.
Il sait pertinemment que l’OMC doit conclure d’une façon ou d’une autre les laborieuses négociations du cycle de Doha, lancé en 2001 mais qui s’est heurté depuis aux divergences des membres sur la libéralisation des produits agricoles et industriels.
Reste donc à savoir si le nouveau visage qu’est Roberto Azevedo trouvera-t-il la formule magique pour un commerce mondial sans verrous.
Diplomate, Roberto Azevêdo l’est jusqu’au bout des ongles. Originaire de Salvador de Bahia (Brésil), il a, à son actif, seize ans de carrière à Genève où il s’est forgé une réputation de négociateur de talent et d’homme de consensus.
Depuis 2008, il y a exercé en tant que représentant permanent de son pays auprès de l’Organisation mondiale du commerce. A 55 ans, il passe maître de la mécanique des pourparlers commerciaux, pour avoir contribué entre autres à faire condamner les Etats-Unis pour leurs subventions à leur coton, et l’Europe pour les siennes en faveur de son sucre.
Le nouveau patron de l’OMC incarne en effet l’incontestable montée en puissance des nations émergentes dans les échanges commerciaux internationaux.
Pour son ancien collègue, l’économiste suisse Luzius Wasescha, « la personnalité de ce négociateur hors pair pourrait s’avérer décisive ». « Son plus grand défi sera de faire son travail de manière objective et en même temps convaincre les marchés émergents et les pays industrialisés de se montrer plus souples sur les questions clés », affirme-t-il.
Mais, observe M. Wasescha, « dès que vous creusez les questions en profondeur que vous abordez les détails techniques, il ne s’agit plus d’un problème Nord-Sud, mais transatlantique ».
L’UE a son système de normes, les Etats-Unis ont le leur, et il est pratiquement impossible de bâtir un pont si les deux parties ne font pas preuve de flexibilité, explique cet ancien représentant de la Suisse auprès de l’OMC.
En gros, l’économiste suisse estime que le changement à la tête de l’institution ne va pas immédiatement bouleverser la situation, bien que les négociations commerciales puissent être inspirées par la personnalité de son directeur général. « N’oubliez pas qu’en dernier ressort, les décisions sont prises par les membres », lance-t-il.
Avec 159 pays membres, il devient de plus en plus difficile de faire prévaloir le principe du multilatéralisme, qui facilite l’accès aux marchés de tous les pays membres, tout en maintenant la règle du consensus qui permet à tout pays, aussi petit soit-il, de bloquer un accord.
De toute évidence, le principal acteur du commerce multilatéral s’abat depuis des années dans l’impasse de négociations sans fin. Le nouveau directeur général aura, sans doute, fort à faire pour convaincre les pays réticents à s’engager dans les évolutions nécessaires.
