Au Royaume
Réussir, c’est envisager l’échec
C’est bien de chercher à augmenter la cadence, d’annoncer des réformes comme certaines et rapides, seulement, on devrait se garder de parler de solutions alors qu’on se penche à peine sur les problèmes.
A trop vouloir bien faire on risque de décevoir. Cette maxime pourrait bien s’appliquer à l’actuel Exécutif. En cent jours, le gouvernement a annoncé l’ouverture d’une foule de chantiers, manière de bien insister sur sa propension à faire avancer les choses. Exemples choisis : la réforme de la compensation ? Pas de problème ! Celle des retraites ? Elle est entamée ! Le combat contre l’économie de rente ? On joue la transparence mais la solution n’est pas encore là. L’impression que donne le gouvernement Benkirane est que non seulement tout sera solutionné, mais surtout que ce dernier va faire ce que ses prédécesseurs n’ont pas osé entreprendre.
Il est légitime pour le nouvel Exécutif, dans le contexte du printemps arabe, de la nouvelle Constitution et de l’attente populaire, d’annoncer la couleur d’emblée. Il faut certes rassurer, mais se garder de trop en faire parce que le résultat final n’est pas acquis. Prenons par exemple la réforme de la Caisse de compensation. Le ciblage ? On sait bien qu’il est quasi impossible et qu’une bonne partie des dépenses de compensation va à la classe moyenne et pauvre. La vérité des prix ? On hésite encore sur un niveau de hausse à la pompe qui serait de 50 centimes à peine par crainte des répercussions sociales. Ce chantier avait été ouvert, rappelons-le, par le gouvernement précédent qui s’est heurté aux mêmes difficultés et a pris quelques mesures d’optimisation. Prenons le cas des retraites. Depuis 2010, des scénarios existent. Seulement, il a fallu compléter par l’avis d’organismes internationaux et tenir compte des antagonismes Caisse-syndicats et gérer le printemps arabe. Enfin, pour le combat contre l’économie de rente, et plus précisément la liste des bénéficiaires des agréments d’autocars, il faut rappeler qu’un projet de loi réformant le système était en gestation depuis 5 ans et a été soumis au SGG par l’équipe El Fassi.
Tout cela pour dire que le gouvernement ne démarre pas sur une feuille vierge. Du travail a été fait et il serait bon de chercher à tirer des enseignements de ce qui a marché ou pas pour ceux qui, avant lui, ont essayé de s’attaquer à des chantiers aussi majeurs que complexes. C’est bien de chercher à augmenter la cadence, on le veut tous et il faut reconnaître au gouvernement ce mérite. Seulement, il devrait se garder de parler de solutions et de délais annoncés à la hâte alors qu’il se penche à peine sur les problèmes. Prudence, prudence… Pour préparer la réussite, il faut aussi envisager l’échec.