Au Royaume
Réformer par la confiance
Dans le business, il y a une règle très connue : plus le risque est élevé, plus le gain est important et vice versa. Le gouvernement vient de démontrer que ce théorème peut être valable aussi en matière de réformes et de politiques publiques. Deux épisodes successifs en sont la parfaite illustration.
D’abord la Caisse de compensation. Dossier explosif par excellence, une patate chaude que les gouvernements et politiciens se refilent les uns aux autres sans y toucher depuis des décennies. Tous disaient alors redouter le pire en touchant à la sacro-sainte subvention et préféraient continuer à faire supporter tout le poids au budget de l’Etat en attendant des jours meilleurs. Aux rares exceptions où quelques-uns ont exprimé tout juste une ébauche de début de réflexion sur la question, le débat était vite clos : décompenser équivaut un risque social trop élevé. Affaire classée. Mais personne ne parlait du potentiel de gain que cela représentait, pas seulement pour les finances de l’Etat, mais pour le pays en entier. Or, autant le risque est élevé sur la question, autant l’économie est importante. Et cela n’est plus de l’ordre des prévisions mais de la réalité. En 2014 déjà, le pays a économisé près de 20 milliards de DH par rapport à 2012, une économie que le gouvernement pourra et devra investir dans des projets et secteurs prioritaires. En 2015, le gain sera pratiquement de 30 milliards DH.
Fin décembre 2014, l’autre bonne nouvelle nous est venue du ministère des finances et de l’Office des changes qui nous apprenaient que l’opération de déclaration des avoirs à l’étranger s’était soldée par le chiffre inattendu et inespéré de 28 milliards de DH. Là aussi, le coup était hautement risqué. Dans d’autres pays comme le Maroc qui ont tenté avant nous la même opération, elle s’est soldée dans certains cas par une centaine de déclarants et quelques broutilles en termes de volumes. Quel était le risque dans une opération pareille ? Quand 19 000 Marocains ont accepté, de leur propre gré, de rapatrier une partie de leurs biens à l’étranger, et au delà de l’aspect purement financier, ils ont en fait donné un signal très fort ici même au Maroc et à l’étranger: Nous avons confiance en notre économie et en l’avenir du pays. A contrario, l’échec de l’opération aurait été catastrophique à tous les plans.
Un enseignement majeur à tirer de ces deux cas d’école : des opérations bien ficelées et transparentes sur le plan réglementaire, bien enveloppées sur le plan de la communication donnent des résultats meilleurs que les contrôles et les dispositifs de coercition. Il faut s’en inspirer pour attaquer d’autres questions épineuses et à haut risque comme la fraude fiscale, les défauts de déclarations de la CNSS, l’informel et le Noir. Le tout, en prenant bien entendu des risques bien calculés et pas en jouant les dons Quichottes…