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Au Royaume

Question de statistiques

A l’heure où le Maroc est en phase de jeter les bases d’une économie moderne, performante, bà¢tie sur les métiers mondiaux et des stratégies sectorielles bien pensées, il est des questions qui troublent l’esprit et sèment le doute.

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Mis à jour le

saad benmansour 2013 01 10

A l’heure où le Maroc est en phase de jeter les bases d’une économie moderne, performante, bâtie sur les métiers mondiaux et des stratégies sectorielles bien pensées, il est des questions qui troublent l’esprit et sèment le doute. Des questions parfois trop basiques à tel point, peut-être, que ceux qui font les politiques publiques les oublient. Voilà un bel exemple de ces questions qui sont à la base même de tout le process mais dont on ne se soucie plus, estimant qu’il s’agit là d’une évidence.

Combien d’entreprises opèrent aujourd’hui dans les industries de transformation ? Aussi basique et facile qu’elle puisse paraître, cette question n’a paradoxalement pas une réponse mais plusieurs et donc pas de réponse du tout. Au ministère de l’industrie, on nous donne un premier chiffre : 7 800. Le HCP nous dit, lui, qu’il y en a 8 000. A 100 ou 200 entreprises près, ce n’est pas bien grave. Mais le problème se pose quand nous consultons d’autres sources comme l’OMPIC, par exemple, qui est bien placé pour faire un bon comptage puisque c’est lui qui supervise l’inscription au registre de commerce au moment de la création. Selon cet office, rien que sur la base des créations enregistrées entre 2007 et 2011, il devrait y avoir près de 21 000 entreprises industrielles au Maroc. Si on admet que les chiffres du HCP et du ministère sont les plus proches de la réalité, cela veut dire que sur les 21 000 entreprises créées, 14 000 ont soit disparu, soit basculé dans l’informel. Soit encore qu’elles sont restées au stade d’intention. Et dans tous les cas, c’est inquiétant. Ne parlons pas des chiffres qu’on peut retrouver chez d’autres administrations comme la direction des impôts ou encore la CNSS.

Mais le plus surprenant, c’est qu’auprès de l’administration, il semble bel et bien que précisément cette statistique sur le nombre d’entreprises, et pas seulement dans l’industrie, fait encore l’objet d’un grand débat. En résumé, les pouvoirs publics n’ont aucune certitude quant à la véracité des chiffres dont ils disposent aujourd’hui. C’est inquiétant à plusieurs titres. D’abord, parce qu’on ne peut pas s’empêcher de se poser des questions quant à l’efficacité de notre administration. Comment se fait-il qu’après 30 ou 40 années d’expérience, on ne soit toujours pas en mesure de mettre au point un système statistique fiable ? A quoi servent ces armées de fonctionnaires qui sont dans les ministères et dans les délégations régionales et qui sont censées remonter des informations fiables et actualisées. Comment se fait-il aussi qu’après toutes ces années, on n’ait pas encore pensé à faire du recoupement entre administrations, unifier les bases de données pour avoir un seul chiffre fiable ?

C’est inquiétant ensuite parce que toutes les politiques publiques, toutes ces stratégies sectorielles censées contribuer à rendre notre économie performante et moderne n’auront d’utilité que si elles sont bâties sur des données justes. Sinon, dans quelques années on se rendra compte qu’on avait tout faux…à cause d’une grotesque erreur dans le domaine de définition.