Au Royaume
Quand Choumicha nous mitonne son canard nouveau
«Saveurs & cuisine du Maroc», premier magazine culinaire marocain, vient de voir le jour. Il est l’œuvre de Choumicha, star des familles qui, après avoir débuté très jeune dans la pub, a déjà à son actif deux émissions, deux livres de cuisine et un rôle dans une sitcom. Portrait
d’une jeune femme rayonnante qui n’a pas fini de surprendre son public.

Rarement vedette cathodique a autant fait l’unanimité autour d’elle, cumulant admiratrices et admirateurs qui affichent marques d’adoration et propos louangeurs. A trente-trois ans, Choumicha Chafay, plus connue sous son radieux prénom, est une figure emblématique, adulée par la presse, estimée par ses pairs, starisée par les femmes, respectée par les hommes… «Tout le monde m’aime», confirme-t-elle sans fausse modestie. Si l’on mesure la starité à l’aune du rayonnement, Choumicha est indiscutablement une star, et pas seulement parce qu’elle porte un prénom prédestiné. Mais à la différence des vedettes hollywoodiennes, par exemple, elle n’est pas là pour nous faire rêver ou pour incarner nos rêves les plus secrets, les plus intimes et les plus fous. Choumicha est une star «domestique» que les téléspectatrices reçoivent, à des heures précises, chez elles, comme un point de repère, un guide familier. Familial. «Quand je rencontre des femmes dans la rue, elles n’hésitent pas à me transmettre le salut de leurs enfants ou de leurs proches. C’est comme si je faisais partie intégrante de leur famille !», se réjouit-elle, avec un naturel charmant.
Avec son naturel, Choumicha en impose. Cueillie quasiment au saut du lit, ce samedi-là, elle paraît pimpante comme une matinée de printemps. Sans fard ni artifice. Pourtant, la journée précédente n’était pas de tout repos. C’était la veille de la sortie de son magazine Saveurs & cuisine du Maroc. Une aventure éditoriale inédite qui devait être étrennée festivement. En parfaite hôtesse, Choumicha était, ce soir-là, au four et au moulin, veillant au bon déroulement de la fête, serrant des mains ici, taillant une bavette là, posant avec des invités, signant des autographes et ainsi de suite. A la fin elle était sur les genoux mais impossible de fermer l’œil. Sans doute à cause de l’excitation.
En lançant le premier magazine culinaire marocain, Choumicha a gagné, une nouvelle fois, son défi. Mais, modeste, elle ne s’en fait pas une gloriole, prétendant que cette aventure n’est que le fruit d’une succession de hasards. «Quand je me trouvais au dernier Festival de Cannes, beaucoup de personnes auxquelles j’ai été présentée m’ont dit leur regret de constater que la cuisine marocaine, et les chefs qui la servent ne sont pas mis en valeur par un support médiatique. Je me suis empressée de donner forme à cette idée. Mais ce magazine n’aurait jamais vu le jour si l’émission Ch’hiwate Bladi n’avait pas existé. Et l’idée de Ch’hiwate Bladi ne me serait pas venue si elle ne m’avait pas été suggérée par 2M, qui voulait que je me consacre aux spécialités régionales».
Elle fait souffrir les journalistes par son perfectionnisme
Il a fallu six mois pour que le nouveau bébé de Choumicha naisse. La gestation aurait pris moins de temps si la génitrice ne s’était pas montrée perfectionniste jusqu’à la névrose, s’abîmant dans des atermoiements exténuants, faisant reprendre les textes, changeant, à la dernière minute, les photos. «J’ai fait souffrir les journalistes», confesse-t-elle. Non par sadisme – elle en est incapable – mais par nécessité intérieure, dira-t-on. «Je suis incurablement angoissée. L’échec me fait peur. Et pour conjurer cette peur, je m’échine à présenter un travail parfait, dans la mesure du possible, sinon je m’abstiens».
Mais d’où vient cette hantise de l’échec, sublimée par un souci de la perfection ? Inutile de compter sur Choumicha pour vous en livrer les clés. Le narcissisme n’est pas sa pente, ni donc la confession. Les multiples contorsions du «je» nous seront épargnées. Elle pratique la pudeur avec méthode et sourire désarmant. Autant elle est diserte et précise pour ce qui concerne sa vie professionnelle, autant elle s’interdit, semble-t-il, de franchir si peu que ce soit le mur de son enfance. Tout juste, apprend-on, au début d’une conversation, que ses parents se sont séparés pratiquement à sa naissance. De quoi réveiller le docteur Freud qui sommeille en chacun de nous. Mais, rengainez les affres induites par le complexe d’abandonnisme que vous êtes prêts à brandir. Ils ne sont pas de saison. Choumicha vous rétorquerait qu’elle n’a pas perdu au change. Car c’est une mamie craquante qui lui a offert son giron.
Choumicha a su convertir ses corvées d’antan en sentiers de la gloire
Lorsque la star des fourneaux évoque la longue période de sa vie qu’elle a passée aux côtés de sa grand-mère maternelle, son visage s’illumine d’une intense émotion. «Elle a maintenant soixante-quatorze ans, et elle respire toujours une jeunesse étonnante. Elle conduit sa petite voiture, s’occupe de sa ferme et ne cesse de bouger». Rahma, c’est son nom, abhorre l’oisiveté. Veuve, avec neuf enfants à sa charge, elle régentait de main ferme la maison de Derb Soltane. Tout le monde sur le pont. Dès son retour de l’école, Choumicha devait mettre la main à la pâte et avoir le cœur à l’ouvrage. De la parfaite ouvrage, sinon c’est la volée de bois vert. «Je passais tout mon temps à récurer, laver, nettoyer, cuisiner et confire. Je n’avais pas le droit de sortir, de faire la fête. J’en pleurais de rage». Non que la mamie considère que sa pupille soit taillable et corvéable à merci, mais par souci de lui inculquer un savoir-faire dont elle aurait grandement besoin. Choumicha ne lui en tiendra jamais rigueur car Rahma, sous des dehors stricts et austères, dissimulait un cœur d’or, qui battait la chamade pour sa petite-fille. Celle-ci le lui rendait bien, en lui obéissant au doigt et à l’œil et en retenant son enseignement. «Avec le recul, je me dis qu’elle a bien fait d’être sévère avec moi. Autrement, je ne serais pas arrivée là où je suis maintenant», affirme-t-elle, non sans une pensée pour ces voyages accomplis à travers le Maroc en compagnie de cette mamie qui, en djellaba et voile, retroussait ses manches pour changer les roues de sa vieille guimbarde, sans aide et en pleine cambrousse perdue. C’est de Rahma que Choumicha a hérité un sens de la «débrouille», un souci de la perfection et une exigence d’excellence qu’elle portera haut.
Forte de sa beauté, de sa jeunesse, de sa fraîcheur, des valeurs transmises par sa mamie, de son talent et de son farouche appétit de vivre, celle que beaucoup de parents qualifient de «belle-fille idéale» s’est rapidement frayé un chemin dans les médias et fait un prénom, gravissant quatre à quatre les degrés de la réussite et de la notoriété.
C’est dans la pub qu’elle fit ses premières gammes. Maggi cherchait une jeune femme «fraîche et agréable», pour promouvoir son image. Choumicha se présenta, elle fut distinguée. Elle avait à peine dix-neuf ans. Sa bonne prestation lui donna sûrement le goût du «paraître». Alors, elle planta ses études arides de maths-physique pour suivre les voies planantes de la communication. Un stage à Qorum, puis un autre à 2M. Sans dividendes. Pénalisée par son jeune âge, elle ne fut pas retenue pour l’animation d’un magazine féminin. En compensation, Qorum lui offrait d’animer le Mot juste en association avec Ramzi. Elle accepta. Mais au fil des épisodes, elle se rendit compte que jouer les faire-valoir n’était pas à la mesure de ses ambitions. Elle se volatilisa. Puis on la retrouva sur les ondes de radio FM, prodiguant, pendant deux heures, conseils pratiques et recettes culinaires aux femmes. C’est bien d’être entendu, être vu, c’est mieux, se dit-elle. Et joignant l’acte au vœu, elle se présenta à 2M munie d’un viatique de choix: Ch’hiwate Choumicha.
Persévérance, simplicité et magnétisme
C’est l’envol d’une carrière flamboyante. Non sans peine. Certains testaient, avec une certaine curiosité, les recettes proposées par cette femme avenante, d’autres snobaient ses émissions, sans raison apparente, les puristes, eux, étaient agacés par les coups qu’elles portaient à l’orthodoxie culinaire. Peu à peu, la persévérance de Choumicha, alliée à une simplicité et un magnétisme inouïs, eut raison des plus sceptiques, au point que son éclipse, pendant un certain temps, fut regrettée.
Imprévisible, elle revint, sans crier gare, avec Ch’hiwate et Ch’hiwate Bladi, qui la hissèrent vite au rang d’animatrice la plus adulée. Il suffit qu’elle apparaisse en public pour qu’hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, se précipitent vers elle en quête d’une poignée de main, d’une embrassade ou d’un sourire. Et Choumicha, qui avoue «avoir peur de ne pas être aimée», savoure ces instants avec bonheur. Sans en redemander, parce que sa vraie vie est aussi ailleurs, auprès de son époux et complice, Karim Acharki, et de ses deux enfants, pour lesquels elle sacrifie mondanités et foire à vanités.
Au compteur de cette boulimique, virtuose des fourneaux : deux émissions, deux livres de cuisine, des doublages de voix, une présence dans une sitcom, un magazine culinaire… En alchimiste, Choumicha a su convertir ses corvées d’antan en sentiers de la gloire.
Choumicha raconte que des personnes rencontrées à Cannes lui ont fait part de leur regret de ne pas voir la cuisine marocaine davantage mise en valeur. Ce fut le point de départ de son idée de magazine.
