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Produits phytosanitaires : un potentiel sous-exploité

Le marché est estimé à 1,5 milliard de DH en valeur et 17 500 tonnes en volume. La consommation varie d’une culture à l’autre et d’une année à l’autre.

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Protection des cultures

Pesticides, herbicides, fongicides…. L’agrochimie n’a pas encore libéré son plein potentiel économique. A preuve, les surfaces traitées dans les céréales – qui représentent 20% du marché (voire encadré) – ne dépassent pas 50%. Le marché pèse 1,5 milliard de DH, soit l’équivalent de 17 500 tonnes. «Quand on compare le potentiel économique de ces cultures en hectares, soit l’ensemble des surfaces qui justifient économiquement la protection phytosanitaire par rapport aux superficies réellement traitées, on trouve des écarts inquiétants qui démontrent qu’au Maroc la protection phytosanitaire est encore sous-utilisée, privant ainsi l’agriculture marocaine d’un facteur important et primordial pour booster sa production et améliorer ses rendements», déplore Boubker El Ouilani, directeur exécutif de CropLife Maroc, l’association professionnelle représentant l’industrie phytopharmaceutique. Dans le détail, la consommation de produits phytosanitaires varie d’une culture à l’autre et d’une année à l’autre. Selon les estimations de CropLife Maroc, ce sont les céréales d’automne qui accaparent la part du lion, avec 18%, suivies de la tomate sous serre avec 11%, de la Betterave à sucre et des agrumes avec 9% chacune. Dix cultures consomment pratiquement 80% des pesticides à usage agricole utilisés au Maroc (11,25% pour la tomate sous serre, 9,21% pour les betteraves à sucre et 9,12% pour les agrumes).

Manque d’information

A l’augmentation de la consommation en intrants chimiques à usage agricole s’ajoute un autre défi à relever : surmonter la volatilité des ventes et de la consommation, selon les aléas climatiques. «Malgré tous les efforts déployés, le secteur des phytosanitaires au Maroc reste toujours tributaire des conditions climatiques. C’est donc un marché très volatile, comme l’atteste l’évolution en dents de scie des importations des pesticides à usage agricole», explique notre interlocuteur.
Autre défi, et non des moindres : la mauvaise utilisation des produits, par manque d’information et de sensibilisation, et les dangers que cela représente aussi bien pour l’utilisateur, le consommateur, les animaux et l’environnement. «Les efforts déployés, dans ce sens, par l’ONCA (Office national du conseil agricole) sont louables, mais loin d’être suffisants», tranche M. El Ouilani. Pour changer la donne, Croplife Maroc recommande le renforcement du partenariat public – privé dans le domaine du conseil agricole, mais pas que. Pour les professionnels, la création d’une chaîne de télévision dédiée à la vulgarisation agricole est plus que nécessaire et a largement sa place dans l’espace audiovisuel.

L’informel et la contrefaçon pèsent 15%

A en croire Croplife, l’un des maillons faibles du secteur des phytosanitaires est celui de la revente. En fait, le nombre de petits revendeurs exerçant dans ce domaine oscille entre 2000 et 3000, concentrés surtout autour des zones irriguées. Bien qu’ils jouent un rôle important dans la distribution des produits et la vulgarisation des bonnes pratiques agricoles, la plupart, sinon la totalité de ces revendeurs, ne se sont pas conformés aux exigences légales requises par la loi 42/95, notamment son article 14, relatif aux conditions à remplir pour l’exercice des activités de fabrication, d’importation, de vente, de mise en vente ou de distribution des produits pesticides à usage agricole. «Nous avons un circuit de petits revendeurs qui exercent en dehors de la légalité et n’ont pas été formés officiellement pour exercer cette activité, laissant ainsi la porte ouverte à certains sans scrupule qui opèrent dans la contrefaçon et la contrebande. Ces deux fléaux constituent, selon nos estimations, quelque 15% du marché total des pesticides à usage agricole», confie notre source.
A côté des petits revendeurs, la profession souligne la présence de marchands ambulants au niveau des souks hebdomadaires, dont les pratiques constituent un risque majeur pour la santé des utilisateurs et des citoyens. D’après le dirigeant de Croplife Maroc, l’ONSSA est en train de procéder au recensement de tous les petits revendeurs de produits phytosanitaires, en exercice dans le pays, afin de les accompagner et de les aider à se conformer aux lois en vigueur. Ce qui est, d’après lui, une excellente initiative. Pour endiguer la contrebande et la contrefaçon, les importateurs d’intrants chimiques plaident pour le renforcement des moyens humains et matériels de l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires et privilégier le travail concerté de ce dernier avec les autres administrations concernées.

Une loi à revoir

Quid de la réglementation ? «La loi 42/95, régissant le secteur, est devenue obsolète. C’est pour cela que l’ONSSA, profitant du projet de jumelage avec l’Union Européenne, initié en 2015, a proposé en concertation avec la profession un projet de loi sur les phytopharmaceutiques», rétorque Boubker El Ouilani. A ce jour, le projet de loi est à l’étude au Secrétariat général du gouvernement. «Cependant, comme une loi reste muette sans ses décrets d’application, nous déplorons le fait que les décrets d’application relatifs à ce projet de loi n’aient pas été préparés et discutés à l’avance, sous prétexte que l’on ne peut le faire qu’une fois la loi promulguée. Ce qui demandera encore 3 ou 5 années de plus».