Au Royaume
Potion magique
En matière de réformes, il n’y a pas de mode d’emploi ni de recette standard qui donnent des résultats à tous les coups.
La réussite d’une réforme dépend du degré d’adaptation de la démarche et de la capacité du législateur et de l’administration à trouver les bons leviers. On se rappelle du cas typique du code de la route qui avait fait école ou encore, plus récemment, de celui de la loi sur les délais de paiement qui est restée lettre morte. Le premier, qu’on donnait inefficace, inapplicable au départ, s’est avéré opérationnel du moins en partie. Dans le second cas, on pensait qu’une loi largement débattue avec les premiers et seuls concernés, en l’occurrence les patrons, ne pouvait que réussir. Mais il en fut autrement. Certaines réformes exigent, en effet, les concertations les plus larges et les plus participatives possibles et ne peuvent réussir autrement que par la fédération et l’adhésion de toutes les parties prenantes quand bien même les textes seraient bien ficelés. D’autres réformes, en revanche, reposent sur le degré de précision des diagnostics et l’identification des points nodaux.
C’est le cas aujourd’hui du grand chantier de la lutte contre la corruption. Cela fait des décennies que l’on tourne en rond, que l’on décrète des stratégies nationales, que l’on annonce, qu’on fait des campagnes de sensibilisation, mais au bout du compte : RIEN ! Même l’instance centrale de prévention dédiée à la question, sur laquelle beaucoup d’espoirs ont été fondés, s’est avérée un échec cuisant et vient de reconnaître publiquement son impuissance. C’est que la lutte contre la corruption ne pourra jamais se faire uniquement à coup de textes réglementaires et d’organisation institutionnelle. C’est d’abord une affaire de culture qui ne se règle pas par de la sensibilisation mais par l’éducation et à l’école dès le jeune âge. Ensuite, et c’est ce que l’on semble oublier, la corruption peut être combattue beaucoup plus efficacement par des gestes et des actes au quotidien qui relèvent du détail parfois technique et qui ne requièrent ni lois ni règlement ni stratégie nationale.
Pour s’en convaincre, il suffit de voir la fréquence avec laquelle des agents publics se font attraper chaque semaine en flagrant délit depuis l’apparition de la mode des snipers Youtube. Dans le passé, un citoyen avait beau réclamer, dénoncer des cas de corruption, on voyait rarement autant de mesures et de sanctions. Il manquait les preuves. Aujourd’hui, elles existent par l’image. Elles sont irréfutables et surtout elles sont disponibles pour l’opinion publique. La caméra et internet se sont donc avérés plus persuasifs que les textes les plus coercitifs. De même, le paiement des amendes par chèque, et peut-être bientôt par carte bancaire, a probablement réduit le risque de corruption des agents de contrôle.
Aujourd’hui, le gouvernement nous annonce, pour la énième fois, une stratégie nationale pour lutter contre la corruption. Ce serait dommage qu’on gaspille encore et encore de l’énergie pour refaire les choses de la même manière…