Au Royaume
Passionné du microcrédit et fondateur de la plus grande association, Al Amana
Certains le surnomment «Monsieur microcrédit».
Actuellement DG d’Al Amana, Fouad Abdelmoumni est un vieux routier des droits de l’homme.
Il a fait plusieurs séjours à Derb Moulay Chérif et autres lieux de détention sans être ni jugé ni condamné.
En 1985, il reprend une vie normale et fera, en 1990, connaissance avec la microfinance.

Fouad Abdelmoumni impressionne toujours ses interlocuteurs par sa grande capacité de persuasion, un esprit de synthèse redoutable et une sérénité désarmante. Quand on connaît son parcours, on se dit que l’acharnement manifesté à empêcher ce défenseur infatigable des droits humains de parler, pendant si longtemps, n’a pas produit l’effet opposé à celui que l’on avait alors escompté.
Fouad Abdelmoumni détient un record d’arrestations en termes de fréquence et de durée. En fait, ce sont bel et bien des disparitions car il n’a jamais été inculpé et encore moins condamné par un quelconque tribunal. Son histoire illustre bien la face cachée des années de plomb. Curieusement, il a choisi, avec d’autres ex-détenus politiques, de ne pas demander réparation à l’Etat.
Première arrestation en 1977, à l’âge de 19 ans
Le parcours de Fouad Abdelmoumni commence à Berkane, dans l’Oriental, où il est né en 1958. Sa famille, d’origine oujdie, va se déplacer, au gré des affectations du père, fonctionnaire au ministère de la justice. Le père étant activiste au sein de l’UNFP, l’administration lui montrera ce qu’il en coûte de se mêler de politique : sa carrière connaîtra ainsi plusieurs mutations à travers le pays.
Le jeune Fouad va suivre l’école primaire à Fès. Le lycée Moulay Idriss va l’accueillir pour les cycles suivants. Brillant à l’école, Fouad Abdelmoumni va se fondre dans la masse des élèves au lycée. Il se retrouvera à Casablanca pour la fin de ses études secondaires, aux lycées Ibn Toumert puis Mohammed V, où il obtient un bac sciences expérimentales en 1976. Il s’inscrira ensuite à l’Institut des études agronomiques et vétérinaires de Rabat.
L’USAID le propose pour Al Amana
Au lycée, il se passe des choses. Des cellules syndicales estudiantines prennent le relais des activités militantes de l’UNEM après l’interdiction de celle-ci. Salah El Ouadie, emporté par les premières vagues d’arrestations de 1974, sera plus tard son compagnon de cellule à Derb Moulay Cherif. Abdelmoumni, lui, fera les frais des rafles de 1977. Il passera six mois à Derb Moulay Cherif, trois autres à Aïn Borja, puis, près de deux ans à la prison de Meknès. Les charges qui pèsent sur lui vont de «l’atteinte à la sécurité de l’Etat» à la «constitution d’une association illicite».
Mais il ne sera pas jugé, n’étant pas détenu officiellement. Il sera libéré avec ses amis en mai 1980. Il se réinscrit la même année à la faculté de droit, section économie, où il obtient son Deug avec mention.
Il continue son activisme sans jamais adhérer directement à aucune mouvance de l’époque. L’effervescence de 1983 va le mener pour un autre séjour à Derb Moulay Cherif, où il subira un régime de détention sévère. Une autre disparition.
Libéré en 1985, il sera recruté par la CDG où il est occupera un poste de cadre au RCAR. Cela ne l’empêche pas de continuer ses études puisqu’il obtient une licence en sciences économiques en 1987. Il restera à la CDG jusqu’en 1990, année où il fera sa première rencontre, déterminante pour la suite de sa carrière, avec la microfinance.
Il intégrera en effet Maghreb Développement et Investissement (MADI) qui deviendra, quelques années plus tard, l’Association marocaine d’appui à la petite entreprise (AMAPE). Ce sont ses premiers pas dans la microfinance et Fouad Abdelmoumni se voit proposer le poste de directeur général.
En 1996, l’USAID propose au ministère du commerce et de l’industrie la création d’une association spécialisée dans le microcrédit. Les Américains mettent 5 millions de DH dans la cagnotte et ont donc leur mot à dire sur les structures de l’entité à naître. Selon toute vraisemblance, ce sont eux qui proposent Fouad Abdelmoumni comme DG.
En effet, ils veulent s’assurer de l’efficacité et de la pérennité de ce qui s’appellera «Al Amana». C’est Driss Jettou, alors ministre en charge du commerce et de l’industrie, qui donnera son accord pour la nomination de Fouad Abdelmoumni à la tête de l’association.
Il a reçu des offres à l’international mais n’envisage pas de s’expatrier un jour
Al Amana sera d’abord hébergée dans les locaux d’une ONG canadienne, mais, très vite, elle devra voler de ses propres ailes. Une villa à l’Agdal sera louée pour 17 000 DH en vue d’abriter le siège d’Al Amana. Fouad Abdelmoumni se souvient : «Avec le représentant de l’USAID, Paul Rippey, nous avons été les deux premiers employés de l’association, en 1996.
Au bout de la première année, l’effectif a été porté à 22 et nous avons distribué 3 millions de DH de crédit au titre du premier exercice. Il nous semblait que nous n’arriverions jamais à placer tout l’argent qui était à notre disposition. Puis, en 2001, nous avons accordé des crédits pour 100 millions de DH, puis 1 milliard en 2006 et le double en 2007. Aujourd’hui, l’effectif total d’Al Amana est de 2 300 personnes».
Plus tard, explique le DG d’Al Amana, le gouvernement marocain va ouvrir une ligne de 100 millions de DH pour la microfinance et ce sont 47 millions de DH qui seront accordés à Al Amana, en deux tranches.
Quand on demande à Fouad Abdelmoumni s’il a des projets de carrière, cela le fait sourire : «J’ai bien reçu quelques propositions dans le domaine de la microfinance à l’international.
Il est vrai que, en terme de rémunération, c’était très tentant. Mais, je n’envisage absolument pas de m’expatrier. Et puis, en dehors de mon activité professionnelle, je suis tellement attaché au monde associatif national, où je suis très actif, que je n’imagine pas de vivre le reste de ma vie coupé de ce monde et de mes amis»
