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Au Royaume

Oui, et alors ?

Une mineure de 17 ans violée, brûlée avec des mégots sur certaines parties de son corps, tatouée puis relâchée par ses ravisseurs comme si de rien n’était. Une vingtaine de jeunes, dont des mineurs, sont accusés par la jeune fille des chefs d’inculpation précédents.

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Edito

L’affaire émeut la Toile jusqu’aux pays voisins qui se solidarisent avec la victime et proposent leur aide. Puis l’affaire prend une tournure inadmissible. Des médias se fendent d’articles et autres vidéos où ils donnent la parole seulement aux mères de certains accusés. Ces dernières avancent que les mœurs légères de la jeune Khadija ne sont un secret pour personne dans le village, que ses parents ne sont pas très à cheval sur la morale, qu’elle se drogue, boit de l’alcool… Bref, qu’elle n’est pas l’ange dont elle veut donner l’image.

Et alors ? A supposer que ce qu’elles avancent soit avéré, qu’on nous explique quel serait le rapport avec l’affaire actuellement devant la justice ? Même une femme mariée peut attaquer son mari pour viol. Que dire d’une mineure qui a vécu l’immonde ? A supposer qu’elle ait été consentante pour accompagner son principal bourreau, cela lui donne-t-il le droit de la rabaisser au rang d’objet, d’en faire son esclave sexuelle, de faire de son corps un défouloir où ses frustrations et celles de ses complices se sont exprimées en tatouages, brûlures et autres sévices ? Les traces sur le corps de la victime et les aveux des auteurs consignés dans les PV de la police ne laissent place à aucun doute sur la responsabilité de ces tortionnaires. Malgré cela, certains se sont fait l’écho de parangons de vertu et de leurs éructations sexistes vis-à-vis de la jeune Khadija. Et cela est inadmissible.

On ne le répétera jamais assez. Quand bien même elle aurait suivi son bourreau de son plein gré, nous sommes manifestement en présence de cas de détournement de mineure, violences sexuelles et sévices corporels, lourdement punis par toutes les lois dans le monde.

Le traitement abject réservé à l’affaire Khadija ces derniers jours rappelle tristement celui de la fille violée par une bande de jeunes l’été 2017 dans un bus à Casablanca. Là encore, des âmes malintentionnées ont trouvé le moyen de faire de la victime, au mieux, une complice, au pire, une accusée. Sa tenue vestimentaire, sa présence à l’arrière du bus où la gent féminine n’avait rien à faire, ses fréquentations… ont été avancées par certains pour justifier l’infâme.

Les deux cas confirment que dans notre société, il y a vraiment quelque chose d’anormal- et le mot est faible. On déshumanise plus facilement la victime quand c’est une femme, a fortiori si elle est jeune et pauvre. La victime est chosifiée sans la moindre empathie. Une logique moyenâgeuse et inacceptable.

Le procès de l’affaire Khadija débutera ce 6 septembre. La justice prononcera son verdict. Et l’opinion publique passera à autre chose. Mais Khadija ne saura reprendre une vie «normale» que si elle est prise en charge par une association, un organisme social ou humanitaire, une âme charitable, qu’elle puisse reprendre ses études. C’est le seul moyen pour lui donner un présent et un futur.

Com’ese

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