Au Royaume
Oser réformer
Tout ce qui intéressait
les patrons pendant les discussions sur le code, c’était la «barémisation»
des indemnités
de licenciement.
Les syndicats ont chèrement monnayé
cette concession.
La phrase est restée célèbre dans les annales du dialogue social de la fin des années 90: «Il est plus facile de se séparer de sa femme que de son employé». Dix ans plus tard, alors qu’il est devenu plus facile de licencier que de divorcer et qu’un Code du travail a remis les pendules à l’heure, ce n’est pas pour autant que les problèmes des chefs d’entreprise sont résolus. Ils sont même dans l’illégalité. Le comité d’entreprise ? On le confond souvent avec les représentants syndicaux. Le comité de sécurité et d’hygiène ? Pour quoi faire ? Le médecin du travail ? On n’est quand même pas dans les mines de Jerada ! L’agrément du ministère de l’emploi pour les sociétés d’intérim ? O๠trouver le 1,2 MDH de caution nécessaires ? De fait, près de quatre ans après l’entrée en vigueur du nouveau Code du travail, seules les entreprises de grande taille font l’effort d’en respecter les articles.
Comment ce texte de loi a-t-il pu comprendre autant de dispositions inapplicables – ou difficilement – au regard de la réalité du tissu économique alors qu’il a été discuté par les patrons et les syndicats ? Il faut revenir au contexte de l’époque et se rappeler que tout ce qui intéressait alors les patrons était la «barémisation» des indemnités de licenciement et que les syndicats ont chèrement monnayé cette concession, obtenant deux hausses du Smig, un report des discussions sur le droit de grève et une flexibilité du travail insuffisante. Résultat : un code largement inspiré de la législation française, marocanisé pour les besoins des négociations. Un texte peut-être trop parfait pour la réalité du Maroc, que le gouvernement Jettou a fait l’erreur de valider. Et que fait-on ? L’Etat ferme les yeux sur les articles non respectés, les syndicats mettent une sourdine à leurs revendications et les entreprises en profitent honteusement pour ne pas appliquer même ce qui est applicable, notamment en matière de protection sociale.
Alors, faut-il réformer ou non ? Sans aucun doute, mais si réforme il y a, celle-ci devra permettre au plus grand nombre d’entreprises de se mettre en conformité avec la loi, et être soucieuses des droits des employés. Doté d’une loi en phase avec son tissu économique, l’Etat pourra alors sanctionner durement ceux qui ne la respectent pas. Le statu quo actuel est synonyme d’immobilisme.