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Au Royaume

Ni curatif ni préventif…

La déchéance de la nationalité, telle qu’elle a été adoptée en France, constitue-t-elle réellement une solution pour lutter efficacement contre le terrorisme ? Le fait de priver un individu de sa nationalité française et de le renvoyer vers le pays de sa deuxième nationalité le remettra-t-il sur le droit chemin ? Cela l’empêchera-t-il de commettre ses actes et de mettre à exécution ses projets ailleurs et même sur le sol français ?

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Edito Saad Benmansour

Pas du tout ! Une telle solution ne relève pas du curatif, encore moins du préventif. Ce n’est pas parce qu’il risque d’être déchu de sa nationalité française qu’un membre de Daech va réfléchir deux fois avant de se faire exploser en France. Ces terroristes sont embrigadés, entraînés, envoyés et programmés pour accomplir leurs actes barbares. Si, déjà, ils ne craignent pas la mort, comment peuvent-ils être dissuadés à l’idée de ne plus avoir leur passeport français ?

D’abord, présenter la déchéance de la nationalité comme étant l’arme efficace contre le terrorisme est réducteur. Car comme on a pu le voir en novembre dernier et en janvier 2015 aussi, les terroristes ne sont pas seulement des bi-nationaux français. Il y a aussi parmi eux des Syriens, des Egyptiens, des Belges et, connaissant la capacité de Daech à recruter partout sur le globe, demain il y en aura de toutes les nationalités, y compris les plus insoupçonnées.

Ensuite, et c’est le plus important, en renvoyant un Maghrébin, par exemple, dans son pays après l’avoir déchu de sa nationalité française peut ressembler, à première vue, à une sanction capitale, radicale. Mais ce faisant, l’Etat français, sans s’en rendre compte, atteste et reconnaît solennellement son échec. Car, comme on l’a vu dans les attentats de Paris, ces bi-nationaux sont en fait plus français qu’autre chose. Certains d’entre eux sont nés, ont grandi exclusivement en France et n’ont que rarement, sinon jamais, mis les pieds dans les pays de leur deuxième nationalité qu’ils n’ont en fait qu’hérité de leurs parents. Si aujourd’hui, ils sont des déviants, cela ne peut être en aucun cas imputé à leurs origines lointaines. Ces terroristes sont naturellement exclusivement le produit de la société où ils ont évolué, donc française, et rien d’autre. Une société qu’ils ne portent visiblement pas dans leur cœur puisqu’ils en arrivent à vouloir la démolir. Les déchoir de la nationalité française ou les en menacer pour les dissuader de commettre leurs actes ne fera, en fait, qu’attiser encore plus leur haine.

La seule lutte contre le fléau du terrorisme que puissent livrer les Etats en espérant des résultats viables et durables est celle qui s’attaquerait réellement aux vraies racines du mal : l’exclusion sociale et la marginalisation.