Au Royaume
Nasser Seddiqi, AMMC : «Un nouvel outil d’évaluation des reportings sera déployé cette année»
Le directeur des opérations financières et des marchés de l’AMMC passe en revue les exigences de communication financière et dévoile les nouvelles pistes de réforme dans ce sens.
Selon ce haut responsable du gendarme du marché boursier, des mesures seront introduites pour assurer l’amélioration des pratiques de l’information financière. De son côté, le projet de lancement du marché à terme avance bien. D’ailleurs, le règlement qui fixe les règles de fonctionnement des activités de cotation et de négociation des produits est en cours de finalisation.
La publication des résultats annuels des sociétés cotées est arrivée à son terme. Quelle évaluation devriez-vous donner à la qualité de l’information financière en cette année ?
Pendant la période de publication, nous évaluons l’information financière davantage sous l’angle quantitatif pour nous assurer du respect des délais et de l’exhaustivité des obligations d’information auxquelles sont assujettis les émetteurs. A l’issue de cette phase, nous poursuivons nos analyses sur le volet qualitatif pour vérifier la cohérence et la clarté des publications avant d’enchaîner sur les actions de relance, sensibilisation et demandes de régularisation ainsi que les procédures coercitives pour les manquements avérés. Cette année, nous avons également prévu de déployer un nouvel outil d’évaluation de la qualité des reportings ESG que nous avons conçu et développé avec le concours de la SFI. L’approche consistera à dresser un bilan détaillé des pratiques des émetteurs en la matière, et ce, dans l’objectif de les faire améliorer de manière progressive sous forme de recommandations dans un premier temps puis d’évolutions réglementaires dans un second temps.
Pourtant, l’AMMC est pointée du doigt en matière de contrôle de l’information financière…
Le régime de l’information financière a enregistré une évolution quantitative et qualitative majeure depuis 2019, année qui a connu l’entrée en vigueur de la circulaire de l’AMMC n°03-19 relative aux opérations et informations financières. Cette circulaire a introduit de nouvelles exigences en matière d’information à communiquer au marché, et a renforcé le contenu et la fréquence de la communication des émetteurs. Ainsi, les rapports financiers, annuel et semestriel, ont considérablement été enrichis. La publication annuelle d’un rapport ESG est aussi une avancée importante. En plus des classiques rendez-vous annuel et semestriel, nous avons également introduit une obligation de publication d’indicateurs trimestriels. D’un autre côté, la gouvernance des émetteurs a aussi été renforcée, notamment par l’exigence de nomination d’administrateurs indépendants et de constitution de comités d’audit au niveau des conseils d’administration des sociétés faisant appel public à l’épargne. En outre, les commissaires aux comptes des sociétés faisant appel public à l’épargne ont aussi été assujettis à de nouvelles règles. D’abord, un devoir d’alerte de l’AMMC pour toute anomalie qu’ils auraient rencontrée dans le cadre de leur mission, permettant d’anticiper certaines situations et de les traiter en amont avant qu’elles ne donnent lieu à des réserves ou des refus de certification. En outre, leur nomination a été encadrée à travers une obligation de rotation au plus tard après quatre mandats ainsi qu’un droit de regard de l’AMMC sur les propositions de nomination et de renouvellement. Je rappelle que ces nouvelles règles sont entrées en vigueur en pleine période de crise sanitaire. L’AMMC a déployé un effort important pour sensibiliser les émetteurs sur l’importance de la transparence, surtout en période de crise, pour garder la relation de confiance avec les investisseurs.
Comment renforcer cet outil ?
Après une période d’observation de l’application du nouveau dispositif de communication financière, nous comptons introduire des mesures pour améliorer les pratiques des émetteurs en la matière. En effet, nous allons formuler un certain nombre de recommandations et de pistes d’amélioration aux émetteurs. En outre, il n’est pas exclu de procéder à des amendements du dispositif en vigueur s’il s’avérait que certaines de ses dispositions ne sont pas assez claires ou adaptées. Sur le plan de l’intervention des commissaires aux comptes, le cadre en vigueur pourrait être davantage renforcé, par exemple à travers l’introduction d’une supervision indépendante des commissaires aux comptes comme c’est le cas dans d’autres juridictions. Ce chantier pourrait être initié dès lors qu’il recueille l’adhésion des parties prenantes concernées.
L’AMMC a entamé plusieurs chantiers dont la création du marché à terme et, partant, la nouvelle Chambre de compensation. Où en est ce projet ?
Comme vous le savez, la mise en place d’un marché à terme, y compris la Chambre de compensation et la Société gestionnaire dudit marché, est un projet complexe. Son lancement s’articule principalement autour de l’opérationnalisation juridique et technique de ces deux infrastructures et par la publication des textes d’application de la loi n°42-12 relative au marché à terme d’instruments financiers permettant d’encadrer le fonctionnement des activités du marché à terme. Sur ces deux axes, le projet est aujourd’hui bien avancé. En effet, en plus de l’opérationnalisation de l’Instance de coordination du marché à terme, à travers l’approbation de son règlement intérieur et la mise en place du protocole d’accord entre Bank Al-Maghrib et l’AMMC, ainsi que la mise en place par la Bourse de Casablanca des solutions IT de cotation et de compensation des instruments financiers à terme, plusieurs autres réalisations ont été enregistrées. A titre d’exemple, le règlement général de la Chambre de compensation qui définit les règles de fonctionnement des activités de compensation vient d’être publié au Bulletin officiel. Celui qui fixe les règles de fonctionnement des activités de cotation et de négociation des produits est, pour sa part, en cours de finalisation.
Vous avez récemment décidé de réglementer les conseillers en investissements financiers (CIF). Pour quelle finalité ?
La réglementation de l’activité de conseil en investissement financier est venue répondre à plusieurs objectifs. Il s’agit d’abord d’une question de principes de régulation, qui requièrent que les différents professionnels du marché soient assujettis à un encadrement adapté, qui garantisse la primauté de l’intérêt du client et le respect des principes d’équité, de transparence et d’intégrité du marché. Ainsi, vu leur rôle central dans les activités d’investissement et de financement sur le marché des capitaux, les CIF devaient faire l’objet d’un encadrement aux standards internationaux tout en étant adaptés à notre contexte et aux réalités de notre marché. La réglementation des CIF vise également à permettre à ces acteurs de mieux contribuer au développement du marché des capitaux. Le nouveau cadre applicable à ces métiers permet d’aligner les différents acteurs sur les meilleures pratiques professionnelles et améliorer ainsi leur capacité à répondre aux attentes et besoins de leurs clients. Ce faisant, ils contribuent au renforcement de la confiance entre les acteurs du marché et de l’attractivité de ce dernier. Par ailleurs, et à travers leur association professionnelle, les CIF pourront aussi contribuer de manière plus structurée aux différents chantiers et projets de développement du marché. D’ailleurs, nous avons observé à l’international que l’encadrement des CIF a permis un développement important de cette activité avec des retombées positives en termes de démocratisation des solutions de financement et d’investissement du marché des capitaux.