Au Royaume
N. Mouaddib, fondateur de l’Université internationale de Rabat
L’homme par qui l’Université publique-privée est arrivée au Maroc. L’université qu’il a créée en 2009 avec le soutien de l’Etat, de la CDG et de la BCP, compte 550 étudiants.

Le président fondateur de l’Université internationale de Rabat (UIR) est un entrepreneur d’une autre espèce. Noureddine Mouaddib, c’est de lui qu’il s’agit, est un chercheur hors pair, une des sommités mondiales dans son domaine restreint, les «ensembles flous», qu’il a intégrés dans le domaine informatique. Il a milité sans relâche, depuis 2005, pour la création de cette université unique en Afrique, fruit de sa conviction que le continent peut mettre à la disposition de sa jeunesse l’outil du savoir qu’elle va chercher en Europe et ailleurs. De plus, comme il l’a prouvé par les chiffres, la faisabilité économique de ce projet se justifie par le fait que la majorité de ceux qui vont étudier à l’étranger appartient aux classes aisées. En même temps, les étudiants démunis pourront en profiter grâce à l’implication des pouvoirs publics et du monde de l’entreprise qui trouvera son compte dans cette pépinière de cadres et de l’innovation.
Pourtant, rien ne prédestinait cet homme du Maroc profond, né à
Oulad Zidouh en 1961, une localité qui se trouve à 40 km de Béni-Mellal, à connaître le destin qui est le sien aujourd’hui. C’est avec obstination et beaucoup d’efforts qu’il parvient à s’affirmer. Cependant, Noureddine Mouaddib a du talent et sa bosse précoce des mathématiques va l’aider à se réaliser.
Il fut conseiller scientifique pour l’OMS sur un projet
Après des études primaires et secondaires à Béni-Mellal, où sa famille s’installe, il obtient un Bac «sciences math» en 1980. C’est son professeur qui l’encourage à s’inscrire au lycée Poincaré pour ses prépas. Il se rappelle que ce fut là son premier voyage en avion. Le dépaysement n’est pas facile. Mais il met toute sa volonté dans ses études car il est animé d’une immense envie de réussir. Parallèlement à ses prépas, il s’inscrit à l’Université Poincaré (Nancy 1) pour une licence en math/physique. Cela lui fera gagner du temps et il obtient sa maîtrise en 1984 et son DEA en 1985. Il s’oriente vers le monde de la technologie pour obtenir son doctorat en informatique. C’est à ce moment qu’il commence à travailler sur l’intégration des ensembles flous dans les bases de données. «Il s’agit simplement de l’introduction de la flexibilité dans l’interrogation des bases de données», explique-t-il.
Assistant entre 1985 et 1988 à Nancy I, il obtient son doctorat en 1989 et gravit progressivement les échelons jusqu’à atteindre le grade de professeur universitaire après l’obtention de son habilitation en 1996. C’est à partir de cette année qu’il a commencé à enseigner à l’école polytechnique de l’Université de Nantes.
Parallèlement à ses activités académiques, Noureddine Mouaddib est aussi approché par l’OMS qui en fera un conseiller scientifique. Il va travailler notamment sur un logiciel en matière d’enquête épidémiologique en rapport avec la santé buccale. C’est grâce à sa trouvaille que l’organisme mondiale va résoudre une énigme : pourquoi n’y a-t-il pas de carie dans une partie de l’Afrique ? Et voici la réponse : si la carie est inexistante dans certains pays, c’est simplement parce que ces populations ne consomment pas de sucre.
Il est bien au fait des besoins de l’Afrique et du Maroc, dont le nombre de bacheliers a triplé, en matière de structures d’enseignement supérieur. Ce sont des contacts incessants avec des décideurs, dont feu Meziane Belfquih, qui lui font prendre conscience de l’ acuité du problème. Cependant, il n’avance pas tête baissée. Son opinion est qu’un projet du genre doit reposer sur trois bases : l’appui et l’implication de l’Etat, la mobilisation de la diaspora scientifique marocaine et un réseau académique de haut niveau. Il va arriver à ses fins. En effet, quant il se décide à passer à l’action en 2009, l’Etat lui donne un terrain de 20 ha d’une valeur de 40 MDH, à proximité de Technopolis. Le groupe Caisse de dépôt et de gestion (CDG) suit avec 150 millions et la BCP participe à hauteur de 50 millions. Mais pour Nouredine Mouaddib, ce n’est là qu’un début car, d’ici 4 ans, il considère que le montant total des investissements se montera à 1,2 milliard de DH. Il n’oublie pas, non plus, son engagement de donner des bourses puisque sur les 550 étudiants que compte son université, 160 sont boursiers et appartiennent à des milieux défavorisés. L’objectif de 20% d’étudiants boursiers sur lequel il s’était engagé au départ est donc largement dépassé.
L’UIR a décroché un contrat de l’armée américaine
Les financements pour le développement de l’université ? Il en trouve du côté de l’entreprise qui, explique-t-il, apporte sa contribution sans aucune contrepartie palpable pour l’instant, et est prête à s’engager davantage. Une autre piste est d’ouvrir les portes de l’université aux étudiants d’autres pays. Il y a déjà une poignée qui a rejoint l’institution. Sur ce point, le président de l’UIR compte sur des pays comme la France qui a été séduite par l’idée de monter une telle université. L’exploration des pistes de coopération et d’alliance n’en est qu’à ses débuts. Aujourd’hui, grâce à Mounir Ghogho, un chercheur marocain établi aux Etats-Unis qui travaille sur la sécurité des réseaux sans fil, l’université a remporté un contrat de l’armée américaine.
Noureddine Mouaddib peut parler de ses projets durant des heures et s’enorgueillit que l’UIR ait déjà déposé pas moins de trois brevets en matière d’énergie renouvelable et a monté une start-up qui développe un lampadaire solaire à base de LED. Une référence dans le domaine de l’enseignement supérieur et de la recherche à l’échelle mondiale : c’est ce qu’il veut faire de l’UIR.
