Au Royaume
Mendiants-nés
Les seules mesures que l’on connait ont montré leurs limites à partir du moment où, en l’absence d’une réponse sociale appropriée, elles ne font que reléguer le problème ailleurs.

D’un geste mécanique, il baisse la vitre, donne quelques dirhams à la main tendue et continue son chemin la conscience tranquille, de celle que procure le sentiment du devoir accompli. De son côté, elle fait les cent pas sur ce carrefour à fort trafic, bébé d’à peine quelques mois (parfois quelques jours) dans les bras. Acculée à la mendicité ou faisant de la manche un métier, elle passera sa journée et les suivantes à faire les mêmes gestes, à solliciter la générosité des passants en montrant ce bébé nourri aux gaz d’échappement et bercé au bruit incessant des klaxons.
A Casablanca, une telle scène, d’une extrême violence, est devenue habituelle, voire banale, du moins tolérée. Pas un feu rouge où des bébés et enfants en bas âge ne soient pas exploités dans la mendicité. Hiver comme été, de jour comme de nuit. Et mis à part quelques rares campagnes où les services de police interviennent pour chasser ces professionnels de la manche, point de projet sérieux pour contrer ce fléau, aucune action radicale n’est mise en place pour protéger ces gamins des affres de la rue. Les seules mesures que l’on connaît ont montré leurs limites à partir du moment où, en l’absence d’une réponse sociale appropriée, elles ne font que reléguer le problème ailleurs. De la voie publique vers des centres d’accueil qui manquent de tout, où s’entassent pêle-mêle des personnes âgées ou atteintes de maladies mentales, des enfants de la rue, des mendiants et leurs «enfants»… dans une sorte de cour des miracles. Là où d’autres risques non moins graves risquent de se produire. De la rue vers ces centres et vice versa, ces enfants ne fréquenteront jamais les bancs de l’école, réduisant à néant leur chance d’avoir un avenir décent.
Attendrons-nous d’être secoués un jour par un scandale sordide sur une grosse mafia d’exploitation d’enfants pour enfin agir sous le coup de la pression…instantanée? Et puis tout oublier ? Et attendre tranquillement qu’un autre scandale aussi sordide nous réveille de nouveau ? Et ainsi de suite…
