Au Royaume
Malaise sociétal
La déferlante d’incidents, faits divers et scandales ces derniers temps est-elle un cycle passager, une succession fortuite d’événements ou est-ce simplement l’effet des technologies d’information qui, grâce aux smartphones combinés aux réseaux sociaux, permettent de mettre à nu des tendances, des pratiques et des faits qui existaient mais qui n’étaient pas apparents par le passé ? La question mérite d’être posée parce que la ou les réponses possibles ne sont de toutes les manières pas rassurantes.

Si de telles tendances et de tels agissements déviants deviennent de plus en plus récurrents ces derniers temps et prennent nouvellement place, cela veut dire que la société marocaine est en passe de vivre de profondes mutations que personne n’a vu venir. Les faits et agissements délictueux de jeunes, les viols collectifs, la défiance de la loi, la violence, le phénomène du «tcharmil» ne sont et ne peuvent être que l’aboutissement d’un long process sociétal. Ils ne sont naturellement que les manifestations de quelque chose de plus profond qui s’est inévitablement produite sur plusieurs années.
Si, en revanche, un tel niveau de défiance et de déviance n’est pas nouveau, s’il a toujours existé mais n’est devenu visible que par la force des réseaux et techniques de communication moderne, cela veut dire que la violence était parmi nous, que nous n’en étions pas conscients. Nous la découvrons aujourd’hui avec stupeur.
Mais le fait est que dans les deux cas, c’est grave. Grave parce que synonyme de dysfonctionnements et de défaillances sociétaux. Ces jeunes, et moins jeunes aussi, qui défient et veulent ignorer les règles de vie en communauté sont le produit de la société dans toutes ses composantes. La famille, l’école, la rue, les pouvoirs publics…tout le monde a une part de responsabilité dans le phénomène. Si ce dernier n’est que récent, cela veut dire que la société marocaine a connu des mutations qui ont pris tout le monde par surprise. Avec tous nos observatoires, toutes nos agences, nos ministères, toutes nos administrations, en plus de l’entourage familial, des universitaires, des partis politiques et du tissu associatif, nous n’avons pas été capables de détecter une transformation sociétale majeure. Ce n’est pas rassurant. Si cette violence a toujours existé mais n’était pas visible, c’est tout aussi inquiétant car en plus d’avoir été produit par une société défaillante, le phénomène a été tu, caché, en tout cas jamais dénoncé ou que très rarement. Ce sont là les caractéristiques de ce qu’on appelle une omerta. Et si, enfin, la défiance a toujours existé, à quoi alors ont servi et servent les lois si elles ne permettent pas de protéger la société des déviants ?
In fine, quel que soit l’angle sous lequel on regarde ce phénomène, la conclusion est la même. La société est malade et le remède peut être résumé en deux mots : les valeurs et la sanction.
