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Au Royaume

L’homme qui a fait la révolution culturelle de la RAD

Il renonce en 1997 à  une carrière bancaire de 25 ans pour rejoindre
la Lydec en tant que DRH.
En 2006, il s’est reconverti dans
le conseil qu’il cumule avec la mission
de délégué Maroc du groupe français Keolis, spécialisé dans le transport en commun.
Son credo : avancer sans pleurer sur son sort. Ses principes : reconnaître
et valoriser les talents.

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Il est né dans une famille conservatrice et nombreuse. Il va pourtant, très tôt,être dans une démarche de rupture en développant une capacité d’adaptation peucommune. La flexibilité, Abdelhak Aqallal l’a cultivée avant même d’en découvrirle concept. Au fil des migrations de sa famille, pour les besoins des activitésde papa, il vivra tantôt à Fès, où il est né en 1948, puis à Settat, Rabat, Casablanca…Il apprendra à passer d’une situation à l’autre, d’une école à l’autre, d’uncercle d’amis à un autre sans trop s’appesantir sur le côté affectif. Cela serésume ainsi pour lui : «Il faut apprendre à avancer sans pleurer sur son sortcar le sort est toujours devant».

Abdelhak Aqallal a aussi connu le m’sid, le bâton du fqih, mais également lesens de la débrouillardise en se frottant à toutes les situations auxquellesl’on est confronté dans la rue, espace d’affûtage des sens et de la créativité.Il est l’avant-dernier de dix frères et sœurs et se rappelle devoir la maîtriseprécoce de la langue française à l’intransigeance des instituteurs de l’époque.A cela s’ajoute, dit-il, le fait que les parents de l’époque s’impliquaient demanière intraitable dans la scolarité des enfants. Il se rappelle : «De mon tempsd’écolier, si les coups ne suffisaient pas pour réveiller les cancres de leurapathie, c’est l’humiliation et le dédain qui récompensaient impitoyablementleurs mauvaises notes».

Parmi les petites joies de l’époque, la visite annuelle à la fameuse foire deCasablanca où le papa se faisait un devoir d’emmener la famille au grand complet.A part cela, les études se passent «normalement» et le jeune Abdelhak est assezbien noté pour ne pas avoir à affronter le courroux paternel.

En 1968, Bac «comptabilité» en poche, il s’inscrit à l’université de Bordeauxoù il obtient un BTS, un Diplôme d’études comptables supérieures (Decs). En 1972,il est également reçu au Brevet professionnel bancaire. A l’époque, il se rappellen’avoir eu en tête que de réussir ses études. Surtout que la marge de manœuvreétait réduite : «Le montant de ma bourse équivalait à 360 DH. Même si le ticketresto était à moins d’un dirham, il fallait trouver les moyens de financer leslivres, le transport… J’ai eu la chance de trouver un poste à mi-temps dansun établissement bancaire».

De retour au pays, en 1973, il est approché par le Crédit du Maroc, filiale duCrédit Lyonnais, pour le poste de responsable de la formation du personnel. Ausein de cette banque, malgré une carrière de 25 ans durant laquelle il a occupéde nombreux postes, Aqallal laissera surtout, auprès du personnel, une empreinteindélébile en tant que DRH, poste qu’il occupera pendant dix ans, de 1985 à 1995,oubliant souvent qu’il a longtemps été dans l’exploitation et en agence.

Transformer une régie en une entreprise commerciale, le grand défi
1997 marquera un tournant dans la vie de Abdelhak Aqallal. Cette année-là, letout-Casablanca et le Maroc entier ne parlent que d’une chose : l’arrivée dela Lyonnaise des eaux (aujourd’hui Suez) pour gérer la distribution de l’eaupotable et de l’électricité dans la capitale économique. L’événement est de tailleet présente une nouveauté pour tout le monde. Pour les clients, habitués à labonne vieille RAD, l’arrivée d’un opérateur privé, une première dans l’histoiredu Maroc, laisse perplexe. Et surtout pour les employés de la régie qui, déjà,appréhendaient l’arrivée aux commandes des expatriés de la Lyonnaise. Les Françaisavaient eux aussi compris que leur plus gros défi à Casablanca allait être detransformer une régie, une administration pure et dure, en une entreprise commercialerentable, et que cela passait forcément par une révolution des mentalités à l’intérieur.

Et c’est là que Abdelhak Aqallal entre en jeu. En 1997, alors qu’il est en posteau Crédit du Maroc, un cabinet de recrutement l’approche pour le compte de laLyonnaise des eaux pour le poste de directeur des ressources humaines de Lydec.La mission est ardue : il s’agit de convaincre le personnel de la régie d’adopterune démarche désormais axée sur le client et migrer vers des méthodes de gestionoù efficacité, performance et nouveau mode de gouvernance sont les maîtres-mots.L’exercice est périlleux car beaucoup d’acteurs entrent en jeu avec, souvent,des objectifs contradictoires : la maison mère à Paris qui voulait des résultats,les syndicats qui voulaient éviter des plans sociaux, les élus, la communautéurbaine de Casablanca, la wilaya et le ministère de l’intérieur qui attendaientdes améliorations du service et des prestations, sans oublier les clients qu’ilfallait également rassurer quant aux tarifs dont ils craignaient une hausse.

La clé de la réussite en matière de RH ? La reconnaissance du talent des autres
De 1997 à 2006, Abdelhak Aqallal réussira tout de même à faire régner une relativepaix sociale en interne. Il s’est même lié d’amitié avec les syndicalistes eta su tisser un réseau très dense dans les milieux politiques, notamment parmiles présidents de communes, les membres du Conseil de la ville… A tel pointque certains lui ont prêté des talents de fin politicien voire de manipulateur.

Quand on lui demande s’il a une botte secrète, Abdelhak Aqallal répond avec unfranc sourire : «Il est certain que chacun apporte un petit chouïa de son crûaux méthodes de gestion et d’organisation apprises à l’école ou glanées ici etlà. Cependant, je demeure intimement convaincu que la clé de voûte dans la gestiondes ressources humaines, domaine complexe par définition, est la reconnaissancedu talent des autres. Dès que vous amenez une équipe à souscrire à un projet,il devient aussi le sien et les chances de le mener à bien se trouvent largementrenforcées».

En 2006, à l’occasion d’un changement à la tête de Lydec, Abdelhak Aqallal décidede changer de cap. Il s’installe alors à son compte, en tant que consultant,tout en étant le délégué Maroc de Keolis, groupe français spécialisé dans letransport en commun, candidat à la gestion déléguée du transport urbain de Rabat.Nouvelle aventure en vue ?