Au Royaume
Les veaux des «festivaux»

Du ciel, encore indécis, nous tombe une manne de festivals.
Qui oserait s’en plaindre ?, direz-vous. Pourtant, il y a tout lieu de le faire, tant l’abondance, en l’occurrence, ne rime pas toujours avec réjouissances.
Loin s’en faut. Dans cette rivalité débridée entre les villes, chacune voulant épater l’autre, le cinéma n’est pas le moins bien loti. Mais pour quelques réussites (Tétouan, Marrakech et récemment Casablanca) ô combien de bides affligeants ! A Safi, par caprice, on a eu l’idée de dédier un festival au cinéma francophone.
Vaste programme, expédié en trois jours. Rien de consistant à se mettre en face des mirettes, juste un bouquet de navetons à égayer un plat de navarin, qui ne fleurent nullement bon la langue de Molière et que personne ne regarde. En revanche, tous les invités, triés sur le volet de l’amitié flatteuse, se précipitent sur les banquets avec méchouis à gogo, tajines à foison, brochettes à satiété et débauche de «lubrifiant» pour faire passer l’orgie de chère.
Rabat, elle, fait dans le superflu, en concoctant rituellement un festival du cinéma féminin. Or le cinéma («pictures», en anglais) repose sur l’image, laquelle n’a pas de sexe. Pendant qu’on y est, pourquoi ne pas consacrer des manifestations aux cinémas homophile, lesbien ou ambigu. Et que dire de ce festival du désert de Zagora, désert en matière de films sur le désert, mais riche en déjà-vus et revus navrants ? Si les festivals de musique sont aujourd’hui «tendance», sous nos climats, peu chantent juste, à l’exception notable d’Essaouira, Agadir, Fès et Tanger.
La plupart préfèrent le racolage à la singularité. Aussi retrouve-ton les mêmes vedettes ou supposées telles dans plusieurs manifestions pendant une seule saison. Ce qui provoque une overdose, chez les amateurs de musique, de Khaled, Faudel, Nass El Ghiwane, Abdelhadi Belkhayat et autres coureurs après le cacheton. Ne pouvant plus supporter de la voir partout, le public, lors d’un festival, a accueilli Najat Atabou par ce refrain «Ana jit, j’en ai marre»
