Au Royaume
Les non-dits de la Cour des comptes
Le dernier rapport de la Cour des comptes sur la fonction publique supporte deux niveaux de lecture.

La première analyse, sommaire, simpliste, voire populiste, consisterait à décrier d’emblée une administration en sureffectif, et trop coûteuse pour le Maroc. Les déterminants de cette analyse sont le niveau de la masse salariale et le salaire mensuel moyen dans la fonction publique.
La masse salariale est actuellement de l’ordre de 110 milliards de DH, soit environ 12% du PIB. Elle inquiète davantage parce qu’elle s’inscrit surtout dans une tendance haussière depuis plusieurs années, malgré, comme le rappellent les tenants de cette lecture, une opération de départ volontaire réalisée en 2005 qui était censée alléger la charge du Budget pour plusieurs années.
Pour le deuxième facteur, à savoir le salaire mensuel, là aussi, son niveau qui avoisine les 7 000 DH par mois est jugé trop élevé comparé, par exemple, au revenu par tête d’habitant. Certains vont parfois plus loin en comparant le salaire moyen de la fonction publique au salaire moyen dans le privé, ce dernier étant calculé à partir de la masse salariale déclarée à la CNSS rapportée à l’effectif global des salariés assurés.
Or, quand on décortique ce premier niveau de lecture, on se rend compte d’un détail important : le jugement de la performance est basé sur une comparaison au PIB ou au PIB par habitant avec ce qui se fait dans d’autres pays, soit similaire de la région, soit d’Europe. Mais quand un rapport est trop élevé, ce n’est pas forcément et seulement à cause du numérateur mais aussi et probablement à cause du dénominateur aussi. Dans le cas d’espèce c’est le PIB ou le PIB par habitant. Ne faudrait-il pas se poser de question plutôt sur le niveau faible de notre PIB ? Il en est de même pour le salaire moyen dans le secteur privé. Le sureffectif de notre administration est un mythe, une fausse idée malheureusement très répandue. Quitte à répéter ce qui a déjà été exposé dans ces mêmes colonnes, le ratio du nombre d’agents publics civils pour 1 000 habitants est d’environ 25 au Maroc. Selon les chiffres de l’OCDE, ce ratio se situe entre 120 et 140 dans les pays scandinaves. Il est entre 80 et 100 dans les pays comme la France et l’Allemagne qui comptent chacune plus de 5 millions de salariés dans la fonction publique et assimilés. Comment peut-on parler de sureffectif au moment où nos écoles manquent d’enseignants, que des centres de santé sont fermés par manque de médecins et d’infirmiers? Et les exemples ne manquent pas.
La problématique de l’administration n’est pas dans ses effectifs ou son coût absolu mais d’abord dans son déploiement de manière équitable sur l’ensemble du territoire national et, surtout, dans la qualité et la valeur de ce qu’elle produit. Si l’administration est défaillante c’est parce qu’elle est en sous-effectif et qualitativement très pauvre en bons profils.
Avec des effectifs rachitiques et mal formés, toute réforme de la fonction publique est tout simplement vouée à l’échec.
