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Au Royaume

L’énergie oui, mais l’eau ?

Industrie, agriculture, hôtellerie, loisirs…, tous ces secteurs consomment et gaspillent de l’eau potable comme si le Maroc en était riche.

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La scène se passe le 29 novembre 2005, lors d’une réunion de la commission interministérielle des investissements. Dans l’euphorie des projets d’investissements que connaît le pays, Adil Douiri, alors ministre du tourisme, ramène dans son cartable quatre projets touristiques comprenant la construction de 7 parcours de golf dans la région de Marrakech. Alerté, Abdelkébir Zahoud, alors secrétaire d’Etat à l’eau, s’oppose aux projets.

La raison ? Marrakech accuse déjà un déficit de 60 millions de m3 par an et, d’ici 2016, sera en situation de grave pénurie. Las, Driss Jettou, Premier ministre, tranchera en faveur de l’investissement… quitte à brancher la ville ocre au Barrage d’Al Massira s’il le faut.

Question : combien d’eau potable consomme un parcours de golf ? En moyenne 200 000 m3 d’eau par an. Autre question, combien d’eau potable, le Marocain consomme-t-il par an ? Environ 29 m3 (80 litres par jour). Enfin, question finale, quelle est la part d’eau potable réservée à la boisson et la cuisson dans la consommation des citoyens : 5%, pas plus, le reste va en douche, commodités, ménage, arrosage, et finit par se déverser en mer…

En résumé donc, un golf engloutit en eau potable l’équivalent d’une petite ville de 6 900 habitants, et le besoin réel des Marocains en eau potable peut théoriquement être divisé par 20.

Il s’agit là d’un véritable gâchis pour un pays comme le Maroc déjà en situation de stress hydrique (moins de 1 000 m3 par habitant et par an) et qui devrait d’ici 15 ans connaître une situation de manque (500 m3 ou moins/hab/an).

La politique de gestion de l’offre qui consiste à produire des barrages et bassins de rétention ne suffit plus, il s’agit de gérer la demande et notamment celle de l’eau potable. Industrie, hôtellerie, agriculture…, nombreux sont les secteurs qui consomment une eau purifiée, là où le précieux liquide épuré et réutilisé peut très bien faire l’affaire.

Un exemple parlant : 60% de l’eau consommée par l’agriculture au Maroc est gaspillée. En comparaison, Israël, pays aussi aride que le nôtre, utilise 80% des eaux de ses égouts pour l’irrigation des cultures.

En Afrique du Sud, l’Etat propose, depuis 1999, les eaux d’assainissement traitées, pour l’usage industriel. Enfin, à Singapour les eaux des égouts, recyclées en eau potable fournissent 15% de la consommation en eau potable. Cette même Singapour qui s’est vue devancée par… la Namibie qui retraite ses eaux usées depuis les années 60 !

Et le Maroc ? Il est loin de ces préoccupations là et devrait pourtant, tout comme il se préoccupe aujourd’hui de l’énergie (enfin un plan sérieux), avoir une véritable stratégie d’économie de l’eau avec des objectifs et des moyens. Il y va de son avenir, de celui de sa sécurité alimentaire à l’heure où la planète a faim.

Com’ese

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