Au Royaume
Le tout arabe…
On croyait l’affaire pliée, mais non. Le PJD et l’Istiqlal soutiennent mordicus la prédominance, voire l’exclusivité de la langue arabe dans l’enseignement, y compris pour les matières scientifiques et techniques.
Autrement dit, qu’elle reste largement prioritaire sur les langues étrangères, ce qui reviendrait à rejeter en bloc des dispositions du projet de loi-cadre de l’éducation, élaborée dans le sillage de la réforme globale de l’enseignement. Ce projet fait du pluralisme, de l’alternance linguistique, ainsi que de l’apprentissage des langues étrangères, un de ses piliers. Ainsi, un étudiant doit maîtriser au moins deux langues étrangères, une fois son bac en poche. L’équité et l’égalité des chances y sont explicitement ciblées grâce au pluralisme linguistique, entre autres.
Tous ces arguments sont balayés d’un revers de la main par les parlementaires du PJD et de l’Istiqlal. A peine les débats engagés en commission à la Chambre des représentants que ces deux formations politiques ont déclaré leur hostilité au projet linguistique contenu dans le projet de loi-cadre. C’est le tout arabe qu’ils prônent et rien d’autre.
Ce débat nous renvoie tout droit au début des années 80. Quand l’Istiqlal a décidé le grand chambardement en imposant la langue arabe pour l’enseignement des matières scientifiques, alors dispensées en langue française. La décision a touché le primaire, le collège et le lycée, mais pas les universités où les étudiants doivent d’un coup de baguette magique switcher vers le français pour les filières scientifiques. Entre les deux, et à partir du lycée, quelques heures y sont consacrées pour aider le futur bachelier à acquérir un vocabulaire scientifique dans la langue de Molière. Résultat: un cafouillage total dont le prix a été lourdement payé par des milliers de Marocains nés à partir des années 70.
Toute cette expérience malheureuse est un faux débat pour ces politiques qui ne voient aucun mal à perpétuer une recette qui n’a donné que des résultats désastreux. A défaut d’arguments scientifiques, ils ressortent la carte identitaire et la menace que constituerait l’apprentissage des langues étrangères sur notre culture marocaine. L’avenir des générations futures semble être relégué au second rang. Quitte à creuser davantage et pour longtemps encore le gap entre école privée et école publique, et priver les couches les plus défavorisées d’un accès équitable à des connaissances que leurs congénères du privé ont à portée de main dès leur jeune âge. Quel gâchis! Heureusement que les débats ne font que commencer et que d’autres courants politiques pourraient faire pencher la balance et conduire à l’élaboration d’une loi-cadre plus prometteuse.