Au Royaume
Le paradoxe de la croissance
Avant d’être un moteur
de l’emploi, la croissance devra d’abord résorber le stock
de capacité de production inutilisée.
Quel bilan faire de l’année qui s’achève ? A trois semaines de la fin de l’exercice budgétaire, les indicateurs macroéconomiques de la nation sont plutôt rassurants. Le taux de croissance de 5,5% du PIB sera conforme aux prévisions et l’inflation sera contenue à 1%, soit un point de moins que prévu. Le déficit budgétaire, lui, devrait dépasser les 3% calculés au mois d’avril dernier pour s’établir à 4%. 16 mai oblige, les dépenses de l’Etat ont connu une légère inflation.
Alors, 2003, un bon cru ? Vu sous cet angle, oui. Schématiquement, le pays s’enrichit sans dépenser excessivement. Mais quid de l’investissement et, corollairement, de l’emploi ?
Au cours des dix premiers mois de l’année, l’encours des crédits à l’équipement a certes progressé de 10% par rapport à la même période de 2002, mais une bonne part de ces crédits a été générée par les grosses opérations comme, par exemple, le rachat de la Régie des tabacs par Altadis. L’investissement reste faible et ce ne sont pas les quelques gros projets, importants mais sporadiques, qui témoignent de sa vitalité.
L’emploi, lui, ne se porte pas mieux. Au cours des neuf premiers mois de l’année 2003, il y avait
736 000 nouveaux demandeurs d’emploi sur le marché alors que ce dernier n’en a absorbé que 400 000. Le taux de chômage en milieu urbain a progressé, passant de 17,9% à 19,4%.
Question : alors que depuis longtemps on ne cesse de marteler qu’il faut un taux de croissance supérieur à 5% pour commencer à absorber le chômage, on se retrouve avec davantage de sans-travail et des fondamentaux économiques satisfaisants. Paradoxal, non ?
A première vue seulement, car les économistes vous expliqueront que, d’une part, le taux moyen d’utilisation des capacités dans l’industrie est de 60% et que, d’autre part, la plupart des industries marocaines sont en situation de sureffectif. Résultat : on peut avoir une progression de la production et des ventes sans investir et sans embaucher.
On peut donc raisonnablement espérer :
- que la croissance des dernières années a résorbé une bonne partie des capacités de production inutilisées dans plusieurs secteurs ;
- que la prochaine campagne agricole soit excellente comme le laissent augurer les récentes pluies.
Auquel cas, le taux de croissance en 2004 sera supérieur aux 3% estimés par le ministère des Finances, et le Maroc renouerait de nouveau avec la baisse du taux de chômage.
On me dira qu’un tel raisonnement pèche par excès d’optimisme, mais l’optimisme n’est-il pas, aussi, un excellent moteur de l’économie ?