Au Royaume
Le «Monsieur Bio» au parcours atypique
Passé par la fonction publique, l’enseignement, la recherche et le coaching, Slim Kabbaj a sillonné le monde en quête de savoir. Il vient de lancer «Green Village», la première franchise bio au Maroc.

Surfer sur la nouveauté. Dans la fonction publique, la recherche ou les affaires, c’est le credo qui anime Mouslime Mohammed Kabbaj plus connu sous le nom de Slim Kabbaj, alias «Monsieur Bio» pour ses proches et son réseau. Fondateur du premier centre de coaching au Maroc, directeur à la tête de plusieurs organismes publics (Centre royal de la télédétection spatiale et Technopark), professeur universitaire et chercheur de longue date, celui qui est également le patron du réseau marocain de la franchise française La Vie Claire revient – encore une fois – sur les devants de la scène. Pas plus tard que mardi 4 septembre, Slim Kabbaj a officialisé sa rupture avec le géant français du bio pour lancer sa propre franchise «Green Village». Ambitions affichées: augmenter le sourcing local, accélérer la transformation de produits bio en s’alliant à des producteurs locaux, et étoffer le maillage territorial. Un pari osé, comme il en a toujours pris, tout au long de son parcours pour le moins atypique.
La rencontre avec son épouse a changé son parcours
Tenue décontractée, silhouette fine, bonne mine et chevelure intacte, Slim Kabbaj a le look du gourou du bio qu’il est. Hors de question pour lui d’avoir une apparence qui trahirait le discours qu’il prêche auprès de ses clients. Né à Rabat dans une famille de la petite bourgeoisie citadine du Maroc colonial, rien ne prédestinait l’homme à devenir précurseur de la distribution du bio dans son pays. Si ce n’est sa rencontre avec sa femme en 2003 dans un cours de yoga. «J’ai atterri dans le bio grâce à ma femme – Zineb Laghzaoui, la DG du groupe – qui a été éduquée dans un milieu sensibilisé aux bienfaits de l’agriculture bio et à la bonne hygiène de vie, et qui avait à son actif une expérience dans le commerce de compléments alimentaires bio», reconnaît Slim Kabbaj. Sa mandature en tant que premier directeur du Centre royal de télédétection spatiale (CRTS) – créé en 1989 – y est également pour quelque chose dans sa fibre écolo, qui a facilité son appréhension d’une alimentation alternative.
«A la tête du CRTS, j’ai observé de visu -des années durant- la montée en puissance de phénomènes néfastes comme la déforestation, la désertification, l’érosion des sols et l’avancée urbaine au détriment du foncier agricole. Cela a éveillé ma conscience quant à la nécessité d’aller vers des modes de consommation alternatifs», détaille-t-il.
Avant de fonder -en 2010- avec sa femme leur premier magasin bio à Casablanca sous la franchise La Vie Claire, le couple avait fait ses premiers pas dans l’entrepreneuriat, à travers le coaching et le développement personnel. «En rentrant des États-Unis après une année d’études dans un programme pour leaders à Harvard, et quelques mois à la tête du Technopark, j’ai décidé de fonder l’IFC -le premier organisme de coaching au Royaume», raconte notre interlocuteur. Présageant la stagnation, voire le recul de l’activité – sous l’effet de la concurrence due à la popularisation du coaching-, le couple cherche à investir dans un nouveau business. Le choix est porté par Zineb Laghzaoui sur le commerce des produits bio. Des produits jusque-là inconnus ou presque; bien que la production agricole -tournée exclusivement vers l’export- existait depuis les années 80. «On disait qu’on était fou. D’abord parce que les gens croyaient à beaucoup de préjugés, comme le fait que tout est bio au Maroc ou qu’il suffisait de ne pas utiliser les pesticides pour produire bio. Or, c’est archi-faux, le bio c’est d’abord une réglementation stricte à respecter, donnant droit à une certification soumettant les producteurs au contrôle», poursuit Slim Kabbaj.
De 2011 à 2014, il aura fallu au couple un travail de longue haleine, et surtout beaucoup de passion pour convaincre, séduire, conseiller et supporter plusieurs exercices à perte pour devenir leader de la distribution à travers Distribio et le commerce de détail via La Vie Claire. «Nous avons réussi, car nous y avons mis du cœur», explique M. Kabbaj, qui s’est aussi servi de la pédagogie et la méthode qu’il a acquises à l’université, aussi bien en tant qu’enseignant que chercheur.
Éternel étudiant et citoyen du monde
Passionné de plusieurs disciplines sportives -qu’il a eu l’habitude de changer souvent, tout comme ses ex-employeurs-, Slim Kabbaj se définit comme un éternel étudiant et citoyen du monde. De l’Institut national polytechnique de Grenoble (INPG) en passant par l’Université de Laval à Québec, l’École polytechnique de Montréal et l’Université Harvard à Boston, le patron de Green Village collectionne les diplômes et certificats (voir bio-express). Et n’hésitait surtout pas à décliner des offres ou à démissionner pour assouvir sa soif d’apprentissage et de découverte. «Notre génération avait la possibilité de voyager et de poursuivre des études à l’étranger sans les contraintes que doivent surmonter la jeunesse d’aujourd’hui, à savoir coûts élevés, visas, racisme», confie-t-il.
Ce qui rend encore plus difficile la tâche de synthétiser son parcours dans un CV d’une page, ce sont ses nombreuses expériences dans l’administration publique. «J’ai été motivé d’aller du fonctionnariat vers l’entrepreneuriat pour expérimenter la prise de risque, une notion qu’on est incapable de connaître -même en étant le grand patron d’une entreprise ou administration publique-, car en définitive, celui-ci ne sera jamais acculé d’hypothéquer ses biens personnels», souligne ce dirigeant qui a le sens de la répartie.
[tabs][tab title = »Bio express »]Voit le jour à Rabat
1974 : baccalauréat sciences mathématiques au Lycée Descartes à Rabat.
1981 : doctorat en mécanique des sols (génie civil) de l’Institut national polytechnique de Grenoble (INPG)
1985 : PH. D à l’Université de Laval à Québec pour devenir professeur universitaire à l’EHTP
1991 : est nommé DG du Centre royal de télédétection spatiale (CRTS) et reste à ce poste durant 7 ans
2001 : dirige le Technopark quelques mois, puis fonde le centre lS-Force
2011 : cofonde «Distribio» et «La Vie Claire Maroc»
2018 : lance la première franchise bio marocaine «Green village» Il a aussi co-écrit, avec Bennasseur Alaoui, un livre intitulé «Les filières bio : enjeux et promesses pour le Maroc et l’Afrique».[/tab][/tabs]
