Au Royaume
Le malus de bienvenue
Ce que trouvera la prochaine équipe gouvernementale : du déficit, de la dette et des décisions impopulaires à prendre.
En 2007, lorsque le gouvernement d’Abbas El Fassi a pris la relève de l’équipe de Driss Jettou, il avait commencé son mandat avec un gros bonus de bienvenue : des finances publiques assainies, un taux de croissance tendanciellement à la hausse et, cerise sur le gâteau, un budget excédentaire pour les deux années de suite.
Dans cinq mois, quand la nouvelle équipe arrivera au pouvoir, quel legs trouvera-t-elle ? Chez le gouvernement actuel on se montre optimiste en arguant d’un retour de croissance et d’une situation budgétaire qui reste maîtrisée alors que les chiffres, eux, disent le contraire. Les charges s’envolent et les recettes fiscales, dont la progression est redevenue normale, ne compensent pas le surplus de dépenses. Oublié le déficit de 3,5%, on parle désormais à mots couverts d’un déficit de 7%. Calculs faits, avec une surcharge de compensation de 24,5 milliards de DH et un coût du dialogue social estimé, pour l’année 2011, à 4,5 milliards de DH, les 10% que l’Etat entend économiser sur ses charges de fonctionnement (hors salaires), et qui s’élèvent à quelque 3 milliards de DH, ramèneront tout juste le surplus de charges à 26 milliards de DH, soit 3,25% du PIB, qui s’ajouteront au 3,5% déjà programmé, soit 6,75% de déficit. On espère bien se tromper et voir ce matelas financier de «charges communes», inscrit dans la Loi de finances, soulager quelque peu l’addition, mais le problème est devenu structurel, c’est ce qui inquiète le plus.
Certes, dira-t-on, la crise est passée par là et le gouvernement a dû s’adapter. Il y a cependant eu des décisions ou des inerties qui ont lourdement contribué à la dégradation des finances publiques et qui pèseront sur les prochains budgets. Ainsi en est-il de la baisse substantielle du prix des carburants, il y a deux ans, alors que l’on tablait ingénument sur une baisse durable du prix du pétrole, ou encore le maintien des subventions à l’industrie qui absorbe 6 milliards de DH par an. Ainsi en est-il encore de la non-tenue du dialogue social à l’automne dernier et qui a acculé le Premier ministre à faire, six mois plus tard, des concessions énormes aux syndicats dans un contexte de manifestations. Ainsi en est-il encore d’une réforme des retraites qui n’aura pas lieu et augmentera la dette implicite de l’Etat. Si le gouvernement El Fassi peut mettre à son actif des stratégies sectorielles opérationnelles, il ne peut en dire autant de sa maîtrise des finances publiques.
Au final, que trouvera le prochain gouvernement ? Du déficit, de la dette et des décisions impopulaires à prendre… et pourtant, une grande partie des ministres actuels sera probablement dans la prochaine équipe.
