Au Royaume
Le goodwill des patrons
Trop optimistes les patrons ? A tout prendre, mieux vaut cela que le pessimisme habituel. Ne boudons pas notre plaisir et qui sait ?, cela pourrait rapporter quelques dirhams de PIB en plus.
Ily a à peine 4 ans, les patrons interrogés par la rédaction de La Vie éco ne pouvaient s’empêcher de récriminer à tout va. Tour à tour, ils manquaient de visibilité, étaient plombés par un IS trop cher, payaient d’importantes charges en énergie, étaient constamment en crise, n’étaient pas payés par leurs clients et leurs banquiers leur faisaient des misères. A croire que l’économie nationale privée allait fermer boutique du jour au lendemain. Certes l’exagération était le plus souvent de mise mais leurs griefs n’en étaient pas moins dénués de cohérence.
Et quatre ans plus tard ? Tout va bien. Pourtant, si l’environnement des affaires a connu plusieurs améliorations, si les grands projets et la fièvre immobilière font visiblement bouger le Maroc, l’IS est toujours au même taux, l’énergie de plus en plus chère, les retards de paiement enrichissent toujours les mêmes mauvais payeurs, et les banquiers, sous la tutelle de l’intraitable couple Abdellatif Jouahri/Bâle II, sont encore plus tatillons.
Qu’est-ce qui a changé alors ? La confiance (voir supplément détachable). Depuis deux ans, le Maroc des affaires s’est mis à travailler plus vite, assimilant toutes les contraintes dans son business-plan. L’exceptionnel cru de 2006 est venu doper cet optimisme.
Les patrons en veulent. La pluie ? On essaiera de faire sans ou alors d’atténuer au maximum les méfaits de son absence. Les élections ? Leur déroulement sera sans impact sur le business si ce n’est le secteur des boissons qui profitera de l’aubaine des campagnes électorales. Le prochain gouvernement ? On pense que le cap sera maintenu quelle que soit la couleur (du voile ?).
Les patrons sont optimistes et le font savoir. Ils vont même jusqu’à pronostiquer une année meilleure que celle qui s’achève, alors que les prévisions officielles font état d’un ralentissement de la dynamique, un scénario corroboré par la froide analyse scientifique des déterminants de la croissance (voir l’avis de Larabi Jaïdi dans le même supplément).
Excès de confiance ? Optimisme béat ? A tout prendre, mieux vaut cela que de céder au pessimisme. Un patron confiant prend des risques, investit plus, cherche des opportunités d’affaires et, spécificité marocaine, alimente de temps en temps la machine en arrondissant ses fins de bilan par quelques opérations immobilières, en fervent adepte de l’adage qui dit que «quand le bâtiment va tout va». Optimistes ? Ne boudons pas notre plaisir, cela peut nous rapporter quelques dirhams de PIB en plus, c’est le goodwill des patrons. Bonne fête.
